
Hans Bilger of Worms, dernier quart du XVe s.
Saint Augustin (entre 1489 et 1496)
Liebieghaus, Skulpturensammlung, Frankfurt am Main
Tous ces biens créés que tu recherches, c’est Dieu qui les a faits. Reçois plutôt celui qui les a faits. Songe à l’amour dont il t’a chéri. Tout a été fait par lui, et lui-même est dans ce tout. Celui qui a tout fait, s’est fait parmi ce tout. Celui qui a fait l’homme s’est fait homme ; il s’est fait ce qu’il a fait, pour que ne périsse pas ce qu’il a fait. Celui qui a tout fait s’est fait parmi ce tout.
Tu escomptes des richesses ? Quoi de plus riche que celui par qui tout a été fait ? Et pourtant, alors qu’il était riche, il a reçu une chair mortelle dans le sein d’une Vierge. Il est né, petit enfant, enveloppé des langes de l’enfance, placé dans une crèche ; et patiemment, il a attendu de grandir, patiemment il a porté le temps, lui qui a créé le temps. Il a tété, il a vagi, il est apparu enfant. Mais couché, il régnait ; il était dans la crèche et il embrassait le monde. Nourri par sa mère, il était adoré par les païens ; nourri par sa mère, il était annoncé par les anges ; nourri par sa mère, il était proclamé par une étoile étincelante. Telles sont ses richesses, telle est sa pauvreté ! Richesses pour te créer, pauvreté pour te racheter. Si donc ce pauvre-là a reçu l’hospitalité comme un pauvre, il l’a reçue par bonté, et non par indigence.
Peut-être te dis-tu : « Heureux ceux qui ont mérité d’accueillir le Christ ! Si seulement c’était moi ; si j’avais été l’un des deux disciples qu’il rencontra sur le chemin ! Eh bien ! Sois sur le chemin, tu ne manqueras pas d’y accueillir le Christ ! Crois-tu en effet, qu’il ne t’est pas possible de recevoir le Christ ? « Et comment le pourrais-je ? Me réponds-tu : ressuscité, il s’est déjà manifesté à ses disciples, il est monté au ciel où il est à la droite du Père. Il ne reviendra plus sinon au dernier jour pour juger les vivants et les morts. Il reviendra dans la gloire et non dans la faiblesse, pour nous donner le royaume, et non pour quémander l’hospitalité ». Quand il reviendra te donner le Royaume, as-tu oublié ce qu’il te dira : « Ce que tu as fait à l’un de ces petits, c’est à moi que tu l’as fait » ? Ce riche est pauvre jusqu’à la fin du monde. Il est pauvre, non dans la tête, mais dans ses membres. Où est-il pauvre ? Dans ceux qui souffrent, quand il dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? »
Suivons donc le Christ. Il est avec nous dans les siens ; il est avec nous, en nous. Ce n’est pas en vain qu’il a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des siècles ». En agissant ainsi nous reconnaissons le Christ par nos œuvres bonnes, non de corps, mais de cœur, non par les yeux de la chair, mais par les yeux de la foi. « Parce que tu as vu, tu as cru », dit-il à son disciple incrédule qui avait dit : « Je ne croirai pas si je ne le touche pas ! » Et le Seigneur : « Viens, touche, et ne sois plus incrédule ». Il a touché et s’est écrié : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Et le Seigneur : « Parce que tu as vu, tu as cru. » Toute ta foi consiste à croire ce que tu vois. Je loue ceux qui croiront sans avoir vu ; car lorsqu’ils verront, ils seront dans la joie.
Saint Augustin (354 - 430), Sermon 239 pour les fêtes de Pâques, 10, 5 et 6.
> Biographie