Saint Au­gus­tin. Vous êtes en­fants de lumière

Saint Au­gus­tin
Ab­baye de Klos­ter­neu­burg, Autriche


Croire dans le Christ, ce­la s’appelle la foi. Je com­prends ce que tu dis : croire dans le Christ c’est la foi. Toi, écoute aus­si un autre pas­sage de l’Écriture : « Le juste vit de la foi. » Pra­ti­quez la jus­tice, croyez : « Le juste vit de la foi. » Il est dif­fi­cile de mal vivre si l’on croit bien. Croyez de tout votre cœur, ne croyez pas de fa­çon boi­teuse, en hé­si­tant. La foi est ap­pe­lée ain­si parce que l’on fait ce que l’on dit. Lorsque tu dis le mot la­tin : « fides », deux syl­labes se font en­tendre ; la pre­mière : « fi » évoque ce que l’on fait, la se­conde : « des », ce que l’on dit. Je te de­mande donc : « Est-ce que tu crois ?» Tu dis : « Je crois. » Fais ce que tu dis, c’est ce­la la foi.

Moi, en ef­fet, je puis en­tendre la voix de mon in­ter­lo­cu­teur, mais je ne peux voir le cœur du croyant. Est-ce moi qui vous ai en­ga­gé pour tra­vailler à la vigne, moi qui ne peux voir votre cœur ? Je ne vous ai pas en­ga­gé, je ne vous ai pas don­né de tra­vail, je n’ai pas pré­pa­ré votre sa­laire. Je suis ou­vrier comme vous ; je tra­vaille dans cette vigne, se­lon mes forces. Ce­lui qui m’a en­ga­gé sait dans quelle in­ten­tion je tra­vaille. Vous de même, vous pou­vez en­tendre le son de ma voix, mais vous ne pou­vez voir mon cœur. Dé­cou­vrons notre cœur au Sei­gneur qui nous voit et tra­vaillons de toutes nos forces. N’offensons pas ce­lui qui nous a en­ga­gés, pour re­ce­voir notre ré­com­pense sans avoir à rougir.

Nous aus­si, bien-ai­més, nous ver­rons un jour nos cœurs les uns les autres, mais plus tard. Pour le mo­ment, nous sommes en­core en­vi­ron­nés des té­nèbres de notre condi­tion mor­telle, et nous mar­chons à la lu­mière des Écri­tures, comme le dit l’Apôtre Pierre : « Nous te­nons plus ferme la pa­role pro­phé­tique ; vous faites bien de la re­gar­der comme une lampe qui brille dans un lieu obs­cur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’astre du ma­tin se lève dans nos cœurs. » Par consé­quent, mes bien-ai­més, grâce à cette foi qui nous porte à croire en Dieu, nous sommes le jour, com­pa­rés à ceux qui ne croient pas. Lorsque nous ne croyions pas, nous étions nuit avec eux ; mais main­te­nant, nous sommes lu­mière, au té­moi­gnage de l’Apôtre : « Au­tre­fois, vous étiez té­nèbres, main­te­nant vous êtes lu­mière dans le Sei­gneur. » Et ailleurs : « Tous, vous êtes en­fants de la lu­mière, fils du jour, nous ne sommes pas de la nuit, ni des té­nèbres. » « Comme il sied en plein jour, condui­sons-nous avec dignité. »

Nous sommes donc le jour, com­pa­rés à ceux qui n’ont pas la foi. Mais en com­pa­rai­son de ce jour où les morts res­sus­ci­te­ront, où ce corps cor­rup­tible se re­vê­ti­ra d’incorruptibilité, où ce corps mor­tel re­vê­ti­ra l’immortalité, nous sommes en­core la nuit. Nous consi­dé­rant dé­jà comme le jour, l’Apôtre Jean dit : « Mes bien ai­més, nous sommes main­te­nant en­fants de Dieu. » Et pour­tant, parce que c’est en­core la nuit, qu’ajoute-t-il ? « Ce que nous se­rons n’a pas en­core été ma­ni­fes­té. Nous sa­vons que lors de cette ma­ni­fes­ta­tion, nous lui se­rons sem­blables, parce que nous le ver­rons tel qu’il est. »

Mais ce­ci est la ré­com­pense, non pas le tra­vail. « Nous le ver­rons tel qu’il est », c’est la ré­com­pense. Alors ce se­ra le jour, un jour lu­mi­neux au pos­sible. Condui­sons-nous donc main­te­nant avec di­gni­té en ce jour d’ici-bas ; en­core dans cette nuit, ne nous ju­geons pas les uns les autres.

Saint Au­gus­tin (354 – 430), Ser­mon 49, 2-3
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