
Sandro Botticelli (1445-1510)
Saint Augustin dans son bureau (~1480)
Église de Tous les Saints, Florence
L’Apôtre nous recommande d’être joyeux, mais dans le Seigneur, non selon le monde. Car, comme le dit l’Écriture : « Celui qui veut être l’ami de ce monde se rend ennemi de Dieu ». De même que l’on ne peut servir deux maîtres, c’est ainsi qu’on ne peut être joyeux à la fois selon le monde et dans le Seigneur. Les deux joies sont bien différentes, elles sont même contraires. Si l’on se réjouit dans le Seigneur, on ne se réjouit pas selon le monde.
Que la joie dans le Seigneur l’emporte donc, jusqu’à ce que disparaisse la joie selon le monde. Que la joie dans le Seigneur augmente toujours ; que la joie selon le monde diminue toujours, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Je ne dis pas cela parce que vivant en ce monde, nous ne devrons jamais nous réjouir, mais afin que, même vivant en ce monde, nous soyons joyeux dans le Seigneur.
Mais quelqu’un dit : Je suis dans le monde ; donc, si je suis joyeux, je suis joyeux là où je suis. - Et alors ? Parce que tu es dans le monde, n’es-tu pas dans le Seigneur ? Écoute encore saint Paul parlant aux Athéniens : dans les Actes des Apôtres, il affirme au sujet de Dieu et du Seigneur, notre Créateur : « En lui nous vivons, nous nous mouvons, et nous sommes ». Car, en quel lieu n’est-il pas, celui qui est partout ? N’est-ce pas à cela que Paul nous exhortait : « Le Seigneur est proche, ne soyez inquiets de rien ».
C’est là un grand mystère : le Christ est monté au-dessus des cieux, et il est tout proche de ceux qui habitent sur terre. Qui donc est à la fois lointain et tout proche, sinon celui qui par miséricorde, s’est fait notre prochain ? Car c’est tout le genre humain, cet homme qui gisait sur la route, laissé à demi-mort par les bandits ; le prêtre et le lévite qui passaient ont négligé, et dont s’est approché un Samaritain qui passait, pour le soigner et le secourir. Le Samaritain passait, loin par la nationalité, proche par la miséricorde, et il fit ce que vous savez. Le Seigneur Jésus a voulu qu’on le vit dans ce Samaritain. Lui qui était juste et immortel, et donc éloigné de nous qui sommes mortels et pécheurs, il est descendu jusqu’à nous, pour être tout proche, lui qui était si éloigné. Car il ne nous a pas traités selon nos péchés. Nous sommes ses fils. Comment le prouver ? Il est mort pour nos péchés, lui le Fils unique, pour ne pas rester unique. Il n’a pas voulu être seul, lui qui est mort seul. Le Fils unique de Dieu a fait des fils de Dieu en grand nombre. Il s’est acheté des frères par son sang ; le réprouvé l’a prouvé, le vendu les a rachetés ; il les a comblés d’honneurs, lui qui avait été outragé, il leur a donné la vie, lui qui avait été mis à mort. Douteras-tu qu’il te donnera ses biens, lui qui n’a pas dédaigné de prendre sur lui tes maux ?
Soyez donc « joyeux dans le Seigneur », non selon le monde. C’est-à-dire : soyez joyeux dans la vérité, non dans l’iniquité ; soyez joyeux dans l’espérance de l’éternité, non dans la fleur de la vanité. C’est ainsi qu’il vous faut être joyeux. Soyez-le en tout lieu et en tout temps ! « Le Seigneur est proche, ne soyez inquiets de rien. »
Saint Augustin (354-430), Sermon 171, sur la lettre aux Philippiens
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