
Saint Augustin Fresque, XVe s.
Basilique de saint Nicolas, Tolentino
Ne vous trompez pas vous-mêmes si vous êtes venus avec empressement écouter la parole, sans l’intention de mettre en pratique ce que vous entendez. Pensez-y bien : s’il est bon d’écouter la parole, il est bien meilleur encore de la mettre en pratique. Si tu ne l’écoutes pas, si tu fais peu de cas de ce que tu as entendu, tu ne bâtis rien. Si tu l’écoutes et ne la mets pas en pratique, tu construis une ruine. À ce propos, le Seigneur énonce une parabole fort juste. « Qui écoute mes paroles et les met en pratique, dit-il, est semblable à un homme prudent qui bâtit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé, ils ont secoué cette maison, mais elle n’a pas croulé. » Pourquoi n’a-t-elle pas croulé ? « Parce qu’elle était bâtie sur le roc. » Ainsi donc, écouter et mettre en pratique, c’est bâtir sur le roc. Et le fait même d’écouter, c’est construire.
« Quant à celui qui entend ces paroles, continue le Seigneur, et ne les met pas en pratique, je le comparerai à un sot qui, lui aussi, bâtit sa maison. » Lui aussi, il bâtit. Et que construit-il ? Il bâtit sa maison, mais parce qu’il ne met pas en pratique ce qu’il entend, il a beau entendre, il bâtit sur le sable. C’est donc sur du sable qu’il construit, celui qui écoute et ne met pas en pratique ; sur le roc, celui qui écoute et met en pratique. Et celui qui n’écoute rien, il n’édifie ni sur le sable ni sur le roc. Mais vois ce qui suit : « La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ils ont secoué cette maison ; elle a croulé, et grande fut sa ruine. » Lamentable spectacle !
Quelqu’un me dira : « À quoi bon écouter ce que je n’ai pas l’intention de faire ? Puisque je bâtirai une maison en ruine, si j’écoute sans mettre en pratique, n’est-il pas plus sûr de ne rien écouter ?» Le Seigneur n’a pas pris en compte cette attitude dans la parabole qu’il nous a présentée, mais il nous a donné de quoi en apprécier la valeur. En ce monde, la pluie, les vents, les torrents ne cessent pas. Tu ne bâtis pas sur le roc, parce que tu crains que lorsque les torrents viendront, ils ne t’emportent ? Tu n’édifies pas sur le sable, dans la crainte qu’à leur venue, ils ne renversent ta maison ? Tu resteras donc sans toit, puisque tu n’écoutes rien. La pluie vient, les torrents viennent : seras-tu en sécurité, alors que tu vas être emporté sans rien pour te couvrir, sans abri ? Réfléchis donc bien au parti que tu vas prendre. De n’avoir rien écouté ne te mettra pas en sûreté, comme tu le penses. Sans protection et sans le moindre toit, tu vas être forcément renversé, emporté, submergé.
Si donc bâtir sur le sable est mal, il est tout aussi mal de ne rien construire. Il reste que la seule chose à faire, c’est de bâtir sur le roc. C’est mal de ne pas écouter, c’est mal d’écouter sans agir ; il s’ensuit qu’il faut écouter et mettre en pratique. « Soyez des gens qui mettent la parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter ; ce serait vous faire illusion. »
Après cette exhortation, je crains de ne pas vous avoir stimulé par ma parole, mais poussé au désespoir. Peut-être que dans cette nombreuse assemblée, l’un de vous, ou deux, ou plus, me jugent et se dit : « Je voudrais bien savoir si ce prêcheur fait tout ce qu’il dit et enseigne aux autres !» Je lui réponds : « Je me mets fort peu en peine d’être jugé par vous. Car moi-même, d’un certain côté, je sais ce que je suis aujourd’hui, mais ne peux savoir ce que je serai demain. Mais toi qui as de moi cette idée, c’est le Seigneur qui t’a donné d’être sûr de ce que je fais ! Si je fais ce que je dis et ce que j’entends, imitez-moi, comme j’imite le Christ. Mais si je ne le fais pas, écoutez ce que dit le Seigneur : Faites ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas ce qu’ils font. »
Saint Augustin (354-430), Sermon 179, 8-10 : PL 38, 970-971
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