
Le dimanche, ou jour du Seigneur, est une création de l’Église chrétienne. Il n’est pas, comme on le croit parfois, le sabbat juif simplement changé de jour, en l’honneur, si l’on veut, de la résurrection. Sacrement de la résurrection, comme le dit saint Augustin, le dimanche est la mémoire et la présence active de la résurrection du Seigneur. Il est la communion au Seigneur ressuscité.
Il est donc la participation au nouvel ordre de choses dont sa résurrection est le principe. Le sabbat, lui, était le jour de la création terminée, et c’est pourquoi il était le septième et dernier jour ; il était la fête et le repos de l’homme créé à l’image de Dieu et constitué ainsi son collaborateur par ses œuvres ; il se référait aux jours ouvrables qu’il clôturait dans le repos, la louange et l’action de grâces. Le dimanche est la célébration, l’application ou la prise en part de la nouvelle création, celle des fils et non plus des serviteurs, qu’inaugure la résurrection du Christ. C’est pourquoi le dimanche n’est pas, comme le sabbat, tout relatif aux autres jours de la semaine, c’est pourquoi la cessation du travail est pour lui un élément relativement secondaire, il n’est pas une fête de cette création, il appartient à la création nouvelle, celle du Fils, dont le principe est cet Esprit vivifiant qui est la réalité propre des derniers temps et dont il est dit qu’il n’était « pas vraiment donné tant que Jésus n’était pas glorifié ».
Aussi le dimanche n’est-il plus le septième jour, le jour du repos du travail de ce monde-ci, mais le premier, ou encore le huitième, ayant reçu ces noms sensiblement équivalents pour marquer qu’il était le début d’une nouvelle semaine, d’un nouveau monde et, au-delà de la consommation cosmique, le début de la vie éternelle, qui est celle des enfants de Dieu, des vivants de vie éternelle en Celui qui, ressuscité des morts, vit désormais pour Dieu.
C’est pourquoi le dimanche comporte un aspect de commémoraison et un aspect d’attente. Comme tout ce qui se fait dans l’Église, laquelle existe essentiellement dans l’entre-deux qui sépare l’ascension et le retour du Christ. En son dimanche comme en toute chose, l’Église est tournée à la fois vers le fait unique de la mort et de la résurrection du Christ, qui est le germe de sa vie, et vers la consommation de cette vie dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle, dans le royaume promis. L’œuvre de l’Église est de faire passer les hommes en la substance céleste du corps glorieux du Christ, en les faisant avoir part au mystère de sa mort et de sa résurrection. Pour autant que les fidèles ont part à ce mystère, ils ont déjà en eux la vie, la vie éternelle, la vie filiale et bienheureuse ; mais cette vie est cachée avec le Christ en Dieu et elle attend la manifestation des fils de Dieu.
Yves Congar (1904 –1995), Le Jour du Seigneur
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