Anonyme XVIIe s. Bransle de village
Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre

Pieter Brueghel l’Ancien (1525-1569)
Repas de noces (1568)
Kunsthistorisches Museum, Wien
Le Repas de noces (huile sur toile, 114 x 164 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne) a été conçu par Bruegel en 1568. En représentant le monde paysan dans cette toile et dans bien d’autres (La Danse de la mariée en plein air, Tête de paysanne, La Danse des paysans), Bruegel se singularise. Le monde rural n’est pas un sujet à la mode et fait plutôt l’objet de sarcasmes. Si les intentions de Bruegel ne sont pas tout à fait limpides, il est fort probable qu’il n’ait pas montré le monde paysan comme un repoussoir mais plutôt comme une composante de la société, qu’il tente de présenter avec réalisme.
A cet intérêt presque sociologique s’ajoute un goût de la parodie. En voyant l’échanson verser le vin dans des cruches, on ne peut s’empêcher de penser à une toute autre cérémonie, celle des Noces de Cana, représentées par Véronèse ou le Tintoret. Ici les noces sont plus simples et sans miracle.
Couleurs et composition
Comme dans de nombreuses compositions de Bruegel, les couleurs chaudes dominent largement le tableau. Les murs de la grange, qu’on imagine en terre ou en paille, et le sol de terre battue forment de grands aplats de bruns et d’ocres. Une grande variété de bruns a également été utilisée pour peindre les ustensiles, les aliments et les boiseries. Dans les vêtements des paysans dominent des couleurs sombres, brunes, bleus, verts. Une grande tâche claire est formée par l’un des serveurs, vêtu d’une chemise bleu pâle et d’un grand tablier d’un blanc éclatant. La perspective le fait paraître exagérément grand.
Les autres blancs (chausses d’un des musiciens, coiffes des femmes, assiettes de bouillie) sont toujours mêlés d’une autre couleur. On trouve enfin de nombreuses touches de rouges (l’autre serveur, le musicien aux chausses blancs et plusieurs couvre-chefs). La composition est assez simple. Elle oppose l’espace très dense de la table, qui suit la ligne de fuite, vers la porte, à l’espace beaucoup moins occupé du premier plan. En somme, la composition est résumée par les pieds de la chaise tronquée, dans le coin en bas à droite : une verticale et deux diagonales.
Cadre

Le repas de noces est organisé dans une vaste grange. L’ immense table de bois, qui ne semble pourtant pas suffire à accueillir la foule de curieux qui se pressent à la porte, est couverte d’une nappe blanche. Toutes sortes de sièges ont été alignés autour d’elle : des bancs en bois clair, l’un avec dossier, des chaises, des tabourets.

Le décor de la pièce est presque inexistant. Les poutres ont pour fonction de stabiliser les murs et n’ont pas de vocation décorative. Les deux gerbes et le râteau accrochés au mur évoquent la destination première de cette grange et les travaux en cours. Seul le drap vert tendu derrière la mariée montre un souci d’ornement.

Dans le fond, le mur de la grange laisse entrevoir, en haut, un autre espace, une autre grange, peut-être ou une étable ?
La noce

Les mariés sont bien peu visibles. La mariée est identifiable grâce à la couronne nuptiale. Les mains jointes, les yeux clos, elle semble en plein méditation : comme le veut la tradition, elle n’a pas le droit de manger et de parler. Elle n’est pas véritablement au centre de l’attention des convives, ses voisines exceptées.

Les visages sont plutôt tournés vers les serveurs, quand les invités ne sont pas engagés dans des discussions personnelles. Il est impossible de dire avec certitude qui est le marié. Globalement le caractère de fête est peu marqué. Les visages semblent peu réjouis, malgré la présence de deux musiciens avec leur cornemuse.

Sans étude des vêtements des paysans de l’époque, il est difficile de dire qu’on voit là des vêtements du dimanche. La mise est en tout cas modeste, excepté peut-être le couvre-chef de l’enfant, au premier plan, orné d’une plume de paon.

Certains hôtes sont plus importants que d’autres. C’est le cas du notaire, assis sur une chaise ancienne, qui est mieux vêtu que la moyenne.

C’est également le cas d’un homme qui parle avec un franciscain. Il pourrait s’agit de Bruegel.
Le repas

Les conventions picturales de la Renaissance interdisent aux peintres de représenter leurs sujets en train d’ingérer des aliments. Bruegel ne tient pas compte de cette règle. Les paysans de sa noce lapent leur soupe avec sérieux.

Un chien, sous la table, participe au repas, probablement à la recherche de restes.

Le repas est simple, à base de bouillie et de soupe. Les plats sont approchés de la table par deux serveurs qui utilisent comme plateau une porte sortie de ses gonds. Un des convives se charge de passer les plats. Le repas est accompagné de pain et de vin.

Le vin est contenu dans de grandes cruches et reversé dans de plus petites, entassées dans un grand panier, pour faciliter sa distribution. L’homme chargé de cette tâche rappelle étrangement les échansons des Noces de Cana.