Marc Cha­gall. Tra­ver­sée de la Mer Rouge

Oli­vier Mes­siaen (1908-1992), Les deux mu­railles d’eau
Jen­ni­fer Bate, orgue, Église de la Sainte-Tri­ni­té, Paris 

Marc Cha­gall (1887-1985)
La Tra­ver­sée de la Mer Rouge (1955)
Mu­sée Marc Cha­gall, Nice 

Ex 14, 5-31
On an­non­ça au roi d’Égypte, que le peuple d’Israël s’était en­fui. Alors Pha­raon et ses ser­vi­teurs chan­gèrent de sen­ti­ment en­vers ce peuple. Ils dirent : « Qu’avons-nous fait en lais­sant par­tir Is­raël : il ne se­ra plus à notre ser­vice !» Pha­raon fit at­te­ler son char et ras­sem­bler ses troupes ; il prit six cents chars d’élite et tous les chars de l’Égypte, cha­cun avec son équi­page. Le Sei­gneur fit en sorte que s’obstine Pha­raon, roi d’Égypte, qui se lan­ça à la pour­suite des fils d’Israël, tan­dis que ceux-ci avan­çaient li­bre­ment. Les Égyp­tiens, tous les che­vaux, les chars de Pha­raon, ses guer­riers et son ar­mée, les pour­sui­virent et les re­joi­gnirent alors qu’ils cam­paient au bord de la mer, près de Pi-Ha­hi­roth, en face de Baal-Se­fone. 10 Comme Pha­raon ap­pro­chait, les fils d’Israël re­gar­dèrent et, voyant les Égyp­tiens lan­cés à leur pour­suite, ils eurent très peur, et ils crièrent vers le Sei­gneur. 11 Ils dirent à Moïse : « L’Égypte man­quait-elle de tom­beaux, pour que tu nous aies em­me­nés mou­rir dans le dé­sert ? Quel mau­vais ser­vice tu nous as ren­du en nous fai­sant sor­tir d’Égypte ! 12 C’est bien là ce que nous te di­sions en Égypte : Ne t’occupe pas de nous, laisse-nous ser­vir les Égyp­tiens. Il vaut mieux les ser­vir que de mou­rir dans le dé­sert !» 13 Moïse ré­pon­dit au peuple : « N’ayez pas peur ! Te­nez bon ! Vous al­lez voir aujourd’hui ce que le Sei­gneur va faire pour vous sau­ver ! Car, ces Égyp­tiens que vous voyez aujourd’hui, vous ne les ver­rez plus ja­mais. 14 Le Sei­gneur com­bat­tra pour vous, et vous, vous n’aurez rien à faire. » 

15 Le Sei­gneur dit à Moïse : « Pour­quoi crier vers moi ? Or­donne aux fils d’Israël de se mettre en route ! 16 Toi, lève ton bâ­ton, étends le bras sur la mer, fends-la en deux, et que les fils d’Israël entrent au mi­lieu de la mer à pied sec. 17 Et moi, je fe­rai en sorte que les Égyp­tiens s’obstinent : ils y en­tre­ront der­rière eux ; je me glo­ri­fie­rai aux dé­pens de Pha­raon et de toute son ar­mée, de ses chars et de ses guer­riers. 18 Les Égyp­tiens sau­ront que je suis le Sei­gneur, quand je me se­rai glo­ri­fié aux dé­pens de Pha­raon, de ses chars et de ses guerriers. »

19 L’ange de Dieu, qui mar­chait en avant d’Israël, se dé­pla­ça et mar­cha à l’arrière. La co­lonne de nuée se dé­pla­ça de­puis l’avant-garde et vint se te­nir à l’arrière, 20 entre le camp des Égyp­tiens et le camp d’Israël. Cette nuée était à la fois té­nèbres et lu­mière dans la nuit, si bien que, de toute la nuit, ils ne purent se ren­con­trer. 21 Moïse éten­dit le bras sur la mer. Le Sei­gneur chas­sa la mer toute la nuit par un fort vent d’est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fen­dirent. 22 Les fils d’Israël en­trèrent au mi­lieu de la mer à pied sec, les eaux for­mant une mu­raille à leur droite et à leur gauche. 23 Les Égyp­tiens les pour­sui­virent ; tous les che­vaux de Pha­raon, ses chars et ses guer­riers en­trèrent der­rière eux jusqu’au mi­lieu de la mer. 24Aux der­nières heures de la nuit, le Sei­gneur ob­ser­va, de­puis la co­lonne de feu et de nuée, l’armée des Égyp­tiens, et il la frap­pa de pa­nique. 25 Il faus­sa les roues de leurs chars, et ils eurent beau­coup de peine à les conduire. Les Égyp­tiens s’écrièrent : « Fuyons de­vant Is­raël, car c’est le Sei­gneur qui com­bat pour eux contre nous !»

26 Le Sei­gneur dit à Moïse : « Étends le bras sur la mer : que les eaux re­viennent sur les Égyp­tiens, leurs chars et leurs guer­riers !» 27 Moïse éten­dit le bras sur la mer. Au point du jour, la mer re­prit sa place ; dans leur fuite, les Égyp­tiens s’y heur­tèrent, et le Sei­gneur les pré­ci­pi­ta au mi­lieu de la mer. 28 Les eaux re­fluèrent et re­cou­vrirent les chars et les guer­riers, toute l’armée de Pha­raon qui était en­trée dans la mer à la pour­suite d’Israël. Il n’en res­ta pas un seul. 29 Mais les fils d’Israël avaient mar­ché à pied sec au mi­lieu de la mer, les eaux for­mant une mu­raille à leur droite et à leur gauche.

30 Ce jour-là, le Sei­gneur sau­va Is­raël de la main de l’Égypte, et Is­raël vit les Égyp­tiens morts sur le bord de la mer. 31 Is­raël vit avec quelle main puis­sante le Sei­gneur avait agi contre l’Égypte. Le peuple crai­gnit le Sei­gneur, il mit sa foi dans le Sei­gneur et dans son ser­vi­teur Moïse.
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En 1948, Cha­gall met fin à son exil amé­ri­cain pour re­tour­ner vivre à Pa­ris. Il re­prend dès lors son tra­vail sur la Bible, pour s’y consa­crer plei­ne­ment à par­tir de son ins­tal­la­tion à Vence en 1950.

La com­po­si­tion de La Tra­ver­sée de la Mer rouge est qua­si­ment in­chan­gée par rap­port à la planche 34 des eaux-fortes ayant ser­vi à l’illustration de la Bible, en­tre­prise dès le dé­but des an­nées 1930.

Certes, la cou­leur en­ri­chit l’œuvre : le bleu co­balt de la mer rouge couvre presque en­tiè­re­ment le ta­bleau, tan­dis que les touches sup­plé­men­taires de rouge (les ar­mées égyp­tiennes) et de jaune (Moïse) sur les élé­ments clés du ta­bleau équi­librent la com­po­si­tion et la rendent plus ex­pres­sive. Néan­moins, le vé­ri­table chan­ge­ment ré­sulte dans l’ajout d’éléments qui étaient ab­sents dans les pro­jets : Cha­gall n’illustre plus sim­ple­ment les ré­cits, mais les com­mente et en étoffe le sens.

Deux illus­tra­tions à gauche

Da­vid à la harpe, de­vant Jé­ru­sa­lem. La tra­di­tion juive consi­dère Da­vid comme l’au­teur de la poé­sie re­li­gieuse : 72 psaumes portent son nom. Plus lar­ge­ment, Da­vid re­pré­sente l’é­lu de Dieu, mo­dèle de tous les sou­ve­rains. Après l’Exil, les Pro­phètes ne ces­se­ront d’a­vi­ver l’es­pé­rance en la ve­nue d’un nou­veau David.

Le juif er­rant, so­li­taire et pen­sif, porte son far­deau sur les épaules et avec lui la mé­moire de son peuple, en per­pé­tuel exil.

Les amants rap­pellent le ta­bleau de Rem­brandt La fian­cée juive.

Moïse étend sa main sur la mer, qui est ici en train de se re­fer­mer sur les Égyp­tiens, en rouge. Ses jambes qui émergent des eaux montrent la vio­lence du mou­ve­ment des flots.

Deux illus­tra­tions à droite

Le Cru­ci­fié, avec en ar­rière plan un vil­lage en feu : mo­tifs évo­quant l’exil et la souf­france. L’association du mo­tif du cru­ci­fié au thème de la Sor­tie d’Égypte illustre bien la dé­marche de l’artiste n’hésitant pas à faire s’entrechoquer ré­fé­rences à la Pre­mière et à la Nou­velle Al­liance, al­lu­sions aus­si aux évé­ne­ments contemporains. 

Un ange bran­dit la To­rah. Il se si­tue au ni­veau de la co­lonne de nuée qui sé­pare le camp des Égyp­tiens et les Hé­breux en fuite. Il fi­gure ain­si l’Alliance entre Dieu et les en­fants d’Israël.