Eric Satie (1866-1925), Gymnopédie no 1
Pascal Rogé, piano

Pablo Picasso (1881-1973)
Feuille de musique et guitare (1912)
Fusain et papiers découpés, collés ou épinglés sur papier
Musée national d’art moderne, Paris
Au printemps 1912, Picasso réintroduit, dans ses peintures, de la réalité sous forme de collage : dans Nature morte à la chaise cannée (musée Picasso, Paris) un morceau de toile cirée imitant le cannage d’une chaise fait une brutale intrusion dans le tissu arachnéen, aux modulations de gris et de beige, du cubisme analytique. Braque et Picasso multiplient alors les innovations : recours systématique aux lettres tracées au pochoir ; essais d’assemblage en papier, pour Braque, et passage à la sculpture pour Picasso (maquette de Guitare, en carton, corde et ficelle, musée Picasso, Paris); enfin, invention du papier collé, qui revient à Braque, au seuil de l’automne 1912 et à la fin d’un été de travail en commun à Sorgues. Picasso va immédiatement s’emparer de cette technique et, simultanément, l’explorer dans toutes sortes de directions. Bien loin de s’en tenir, comme Braque l’a fait au début, à des rehauts de papier faux bois, il va jouer des discordances de matériaux différents (texture optique du papier journal couvert de mots, papiers peints à fleurettes kitsch, papiers unis bleus, paquets de tabac, bouts de cordelières ou boîtes d’allumettes), comme autant de niveaux de langage, de voix plus ou moins distanciées ou décalées. Picasso réalise en tout environ 130 papiers collés entre 1912 et 1914, deux fois plus que Braque ; comme le souligne Brigitte Leal dans Picasso. Papiers collés (1998), la synthèse la plus complète à ce jour sur ce dossier, les expériences de Picasso évoluent sinueusement, dès le départ, entre un hermétisme radical, l’élaboration d’un système polysémique complexe, et une recherche décorative plus séduisante et plus joueuse.
L’ensemble des papiers collés conservés au Musée est remarquable, grâce, surtout, à la donation de Marie Cuttoli et Henri Laugier en 1963. Il comprend de beaux exemples de chacun des principaux moments du travail de Picasso dans ce domaine, essentiel pour la compréhension du cubisme, mais aussi pour la suite de son œuvre, qui en portera la marque quasiment jusqu’au bout. En effet, Picasso ne fait pas seulement du papier collé – prolongé par des constructions et des assemblages, qui auront une immense influence sur la sculpture du XXe siècle – un incomparable instrument de liberté formelle : il le dote d’une richesse sémantique (interrogée, depuis, par de nombreux historiens d’art) apparemment inépuisable.
Feuille de musique et guitare, qu’on peut dater de la fin de l’automne 1912 (Daix-Rosselet 520), appartient à une première série : Picasso y prend d’emblée le contrepied de Braque. Ici l’armature dessinée n’est plus visible, elle a été entièrement recouverte par de grands morceaux de papier, certains colorés vivement, d’autres découpés dans une partition. L’impact de la Guitare construite en carton (musée Picasso, Paris) y est flagrant, comme sur le reste de la série : des photographies de l’atelier de la fin 1912 la montrent accrochée au milieu des mises en place dessinées de ses papiers collés en cours (dont le nôtre), comme pour mieux éprouver la possibilité de « mettre à plat » l’assemblage, de le démonter et le remonter, de construire une autre guitare au moyen de la seule superposition de différents papiers – surmontée au final par le petit rectangle épinglé figurant les cordes de l’instrument. Ces épingles de fixation, souvent laissées en place (ainsi, par exemple, sur quatre papiers collés de la seule collection du musée Picasso), ajoutent leur poids de réalité brute, et une touche de feinte négligence, à l’édifice sophistiqué du papier collé.
Isabelle Monod-Fontaine
© Musée d’art moderne, Paris

Pablo Picasso (1881-1973)
Le violon (1912)
Huile et matériaux divers sur toile
Musée Pouchkine, Moscou
Le tableau « Violon » est réalisé par Pablo Picasso à l’été 1912, lorsqu’il travaille à Sorgue et crée une série d’œuvres représentant des instruments de musique.
Sa peinture change et le mène à la prochaine étape du cubisme, appelée synthétique. Picasso décompose l’instrument de musique en éléments constitutifs distincts, le montrant simultanément à partir de différents points de vue. Le spectateur doit de son côté faire un travail d’analyse sur la reconstruction de l’instrument. La composition forme un ensemble synthétique, bien que chacun des détails du violon soit remarquable par sa beauté propre. Tous sont disposés de manière à ne pas donner une image conventionnelle du violon. Pour Picasso la musique en tant que forme d’art n’illustre rien mais crée son propre monde artistique. C’est ce dont rend compte cette représentation de l’instrument
Pour le format de l’œuvre, l’artiste utilise un ovale dont la forme harmonieuse est associée à l’image du violon. Picasso fait figurer dans le tableau la texture de l’arbre à partir duquel l’instrument de musique est fabriqué. Il utilise déjà des fragments d’objets prêts à l’emploi : des bouts de journaux, des étiquettes de tabac, des papiers peints qui apparaissent dans la phase du cubisme synthétique.
© Ciné-Club, Caen