Aris­tote. La li­ber­té, prin­cipe de base de la démocratie

Aris­tote (-384 à -322)
Ori­gi­nal grec en bronze
Ly­sippe, sculp­teur (~330 av. JC) 

Le prin­cipe de base de la consti­tu­tion dé­mo­cra­tique c’est la li­ber­té [c’est, en ef­fet, ce qu’on a cou­tume de dire, parce que c’est seule­ment dans une telle consti­tu­tion que les ci­toyens ont la li­ber­té en par­tage ; c’est à ce­la, en ef­fet, que tend, dit‑on, toute dé­mo­cra­tie], et l’une des formes de la li­ber­té c’est d’être tour à tour gou­ver­né et gou­ver­nant. En ef­fet, le juste, se­lon la concep­tion dé­mo­cra­tique, c’est que cha­cun ait une part égale numérique­ment et non se­lon son mé­rite, et avec une telle concep­tion du juste il est né­ces­saire que la masse soit sou­ve­raine, et ce qui semble bon à la ma­jo­ri­té se­ra quelque chose d’indépassable, et c’est ce­la qui se­ra le juste, car ils disent qu’il faut que chaque ci­toyen ait une part égale. De sorte que dans les dé­mo­cra­ties il se trouve que les gens mo­destes ont la sou­ve­rai­ne­té sur les gens ai­sés ; il sont en ef­fet plus nom­breux, et c’est l’opinion de la ma­jo­ri­té qui est sou­ve­raine.[…] Ces bases étant po­sées, c’est‑à-­dire le prin­cipe de la dé­mo­cra­tie étant ce­lui qu’on vient de dire, voi­ci les traits carac­téristiques du ré­gime po­pu­laire : choix de tous les ma­gis­trats par­mi tous les ci­toyens ; gou­ver­ne­ment de cha­cun par tous et de tous par cha­cun à tour de rôle ; ti­rage au sort des ma­gis­tra­tures, soit de toutes, soit de toutes celles qui ne de­mandent ni ex­pé­rience ni sa­voir ; ma­gis­tra­tures ne dé­pen­dant d’aucun cens ou d’un cens très pe­tit ; im­pos­si­bi­li­té pour un même ci­toyen d’exercer, en de­hors des fonc­tions mili­taires, deux fois la même ma­gis­tra­ture, ou seule­ment un pe­tit nombre de fois et pour un pe­tit nombre de ma­gis­tra­tures ; courte du­rée des ma­gis­tra­tures, soit toutes, soit toutes celles pour les­quelles c’est pos­sible ; fonc­tions ju­di­ciaires ou­vertes à tous, tous ju­geant de tout, ou des causes les plus nom­breuses, les plus im­por­tantes et les plus dé­ci­sives, par exemple la vé­ri­fi­ca­tion des comptes, les af­faires po­li­tiques, les contrats pri­vés ; sou­ve­rai­ne­té de l’assemblée dans tous les do­maines, au­cune ma­gis­tra­ture ne l’emportant en au­cun do­maine, ou seule­ment en très peu de do­maines, ou souverai­neté de l’assemblée sur les af­faires les plus im­por­tantes.[…] Telles sont donc les ca­rac­té­ris­tiques com­munes aux démocraties.

Aris­tote (384-322 av. J.-C.), Les Po­li­tiques, VI, ch. 2
Bio­gra­phie