G. W. F. He­gel. La res­pon­sa­bi­li­té de la liberté

Georg Wil­helm Frie­drich He­gel, Gra­vure, XIXe s. 

Les choses de la na­ture n’existent qu’im­mé­dia­te­ment et d’une seule fa­çon, tan­dis que l’­homme, parce qu’il est es­prit, a une double exis­tence ; il existe d’une part au même titre que les choses de la na­ture, mais d’autre part il existe aus­si pour soi, il se contemple, se re­pré­sente à lui -même et n’est es­prit que par cette ac­ti­vi­té qui consti­tue un être pour soi. Cette conscience de soi, l’­homme l’ac­quiert de deux ma­nières : Pri­mo, théo­ri­que­ment, parce qu’il doit se pen­cher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mou­ve­ments, re­plis et pen­chants du cœur hu­main et d’une fa­çon gé­né­rale se contem­pler, se re­pré­sen­ter ce que la pen­sée peut lui as­si­gner comme es­sence, en­fin se re­con­naître ex­clu­si­ve­ment aus­si bien dans ce qu’il tire de son propre fond que dans les don­nées qu’il re­çoit de l’ex­té­rieur. Deuxiè­me­ment, l’­homme se consti­tue pour soi par son ac­ti­vi­té pra­tique, parce qu’il est pous­sé à se trou­ver lui-même, à se re­con­naître lui-même dans ce qui lui est don­né im­mé­dia­te­ment, dans ce qui s’offre à lui ex­té­rieu­re­ment. Il y par­vient en chan­geant les choses ex­té­rieures qu’il marque du sceau de son in­té­rio­ri­té et dans les­quelles il ne re­trouve que ses propres dé­ter­mi­na­tions. L’­homme agit ain­si, de par sa li­ber­té de su­jet, pour ôter au monde ex­té­rieur son ca­rac­tère fa­rou­che­ment étran­ger et pour ne jouir des choses que parce qu’il y re­trouve une forme ex­té­rieure de sa propre réa­li­té. Ce be­soin de mo­di­fier les choses ex­té­rieures est dé­jà ins­crit dans les pre­miers pen­chants de l’en­fant : le pe­tit gar­çon qui jette des pierres clans le tor­rent et ad­mire les ronds qui se forment dans l’eau, ad­mire en fait une œuvre où il bé­né­fi­cie du spec­tacle de sa propre activité.

Georg Wil­helm Frie­drich He­gel (1770-1831), In­tro­duc­tion à l’es­thé­tique
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