Saint Au­gus­tin. La mer­veille qu’est le Christ

Si­mone Mar­ti­ni (1284-1344)
Saint Au­gus­tin, Dé­tail d’un trip­tyque (~1319)
The Fitz­william Mu­seum, Cambridge 

Qui est le Christ ? Saint Jean nous ré­pond : « Au com­men­ce­ment était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au com­men­ce­ment avec Dieu. Tout fut par lui et sans lui, rien ne fut ». Que ces pa­roles sont ma­gni­fiques, qu’elles sont sublimes !

Et toi, cap­tif, qui es-tu ? Où traînes-tu ta mi­sère ? Dans la chair, sous la su­jé­tion de la mort. Qu’est-il donc ? Et toi, qui es-tu ? Que lui est-il ad­ve­nu par la suite, et pour qui a-t-il agi ? Qui est-il, si­non ce qui vient d’être pro­cla­mé : le Verbe. Qu’est-ce que ce Verbe ? Un son qui d’aventure se fait en­tendre et se perd ? Non, le Verbe, Dieu près de Dieu, le Verbe par qui tout a été fait. Qu’est-il de­ve­nu pour toi ? « Le Verbe s’est fait chair, et il a de­meu­ré par­mi nous » ré­pond Jean. Et l’Apôtre pour­suit : « Dieu n’a pas épar­gné son Fils et l’a li­vré pour nous tous. Com­ment donc avec lui, ne nous ac­cor­de­rait-il pas toute faveur ?»

Voi­là donc ce qu’il s’est fait : chair. Voi­là ce­lui qui s’est fait chair, et voi­là pour qui il s’est fait chair. Le Fils de Dieu s’est fait chair pour un pé­cheur, pour un rustre, pour un lâche, pour un or­gueilleux, pour un piètre mime de son Dieu. Il s’est fait ce que tu es : fils d’homme, pour faire de nous des fils de Dieu. Il s’est fait chair. D’où a-t-il pris cette chair ? De la Vierge Ma­rie. D’où la Vierge Ma­rie l’avait-elle prise ? D’Adam. Elle des­cen­dait bien du pre­mier cap­tif et la chair du Christ ap­par­te­nait bien à la terre hu­maine ré­duite en ser­vi­tude. Et pour­quoi ce­la ? Pour te don­ner l’exemple. Il a pris de toi de quoi mou­rir pour toi ; il a pris de toi de quoi of­frir pour toi. C’est en ce­la qu’il t’instruit par son exemple. De quoi t’instruit-il ? De ta pro­chaine ré­sur­rec­tion. Car com­ment pour­rais-tu y croire, si tu n’avais sous les yeux l’exemple de cette chair pé­trie de la pâte mor­telle. Nous sommes donc res­sus­ci­tés en lui une pre­mière fois, car lorsque le Christ est res­sus­ci­té, nous aus­si, nous sommes res­sus­ci­tés. Ce n’est pas que le Verbe soit mort et res­sus­ci­té, mais dans le Verbe, la chair est morte et res­sus­ci­tée. Là où est mort le Christ, tu mour­ras, toi aus­si, et là où est res­sus­ci­té le Christ, tu res­sus­ci­te­ras, toi aussi.

Il t’enseigne ain­si par son exemple ce que tu ne dois pas craindre, ce que tu dois es­pé­rer. Tu crai­gnais la mort : il est mort ; tu n’osais es­pé­rer la ré­sur­rec­tion : il est res­sus­ci­té. Mais vas-tu me dire : « Oui, il est res­sus­ci­té, mais moi ?» Ré­flé­chis : ce qui est res­sus­ci­té en lui, est ce qu’il a pris de toi, pour toi. Par consé­quent, en lui, ta propre na­ture te pré­cède, et ce qu’il a pris de toi est mon­té de­vant toi. Là où il est mon­té, tu es mon­té toi aus­si. Il y est mon­té le pre­mier et nous y sommes mon­tés en lui, puisque cette chair qui est sienne est bien celle de toute la race hu­maine. Le Christ nous a pré­cé­dés et nous sommes dé­jà res­sus­ci­tés, mais en espérance.

Saint Au­gus­tin (354 – 430), En­nar­ra­tio 2 sur la 2ème par­tie du Ps 70
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