Saint Jean Chry­so­stome. Vou­loir l’unité

Saint Jean Chry­so­stome (354-402)
Mo­saïque, IXe s.
Sainte-So­phie, Constantinople 

« Lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au mi­lieu d’eux. » Quand sau­rons-nous ai­mer l’autre pour lui-même, pour Dieu lui-même comme Dieu l’aime ?

C’est le propre d’un grand et brû­lant amour que de réunir ceux qui s’aiment. Mais y a-t-il des gens as­sez mal­heu­reux pour ne pas dé­si­rer avoir le Christ au mi­lieu d’eux ? Oui : nous-mêmes qui sommes en lutte les uns avec les autres. Peut-être ri­ra-t-on de moi et di­ra-t-on « Que dites-vous là ? Nous voi­là tous réunis dans les mêmes murs, dans l’en­ceinte de la même église, vi­vant en ac­cord dans la même ber­ge­rie, sans au­cune contra­dic­tion, unis sous un même pas­teur, chan­tant en­semble, écou­tant en­semble ce qui est dit, priant en­semble : et vous ve­nez par­ler de guerre et de dis­corde ?» - Oui. Et je ne suis pas fou, ni éga­ré. Je vois ce que je vois et je sais que nous sommes dans la même ber­ge­rie et sous le même pas­teur. Et c’est jus­te­ment ce que je dé­plore : que nous soyons di­vi­sés alors que nous avons tant de rai­sons de nous unir. - Quelles di­vi­sions voyez-vous donc ici ? - Ici, au­cune ; mais lorsque nous nous sé­pa­rons, un tel ac­cuse son pro­chain, un autre l’in­sulte en pu­blic, un autre est dé­vo­ré par l’en­vie, un autre use de vio­lence. Et si l’on pou­vait mettre à nu nos âmes, on ver­rait tout ce­la clai­re­ment et vous re­con­naî­triez que je ne suis pas fou.

Nous nous épions mu­tuel­le­ment, nous avons peur, nous par­lons à l’o­reille du voi­sin, et si un tiers sur­vient, nous nous tai­sons et nous plan­tons là la conver­sa­tion : ce n’est pas là une marque de confiance, mais bien d’ex­trême dé­fiance. - Mais nous ne fai­sons pas ce­la pour faire du tort, di­rez-vous, mais seule­ment pour nous ga­ran­tir. - Et c’est bien ce qui me fait gé­mir : que, vi­vant par­mi des frères, nous ayons be­soin de nous te­nir sur nos gardes.

Et la cause de tout ce­la ? C’est qu’on vit dans le men­songe et la dis­si­mu­la­tion, que la cha­ri­té est en grande di­mi­nu­tion, et que c’est la guerre sans mer­ci. Aus­si trou­ve­rait-on bien des gens qui ont plus confiance dans les païens que dans les chré­tiens. Quel su­jet de honte, de larmes, de gémissements !

Saint Jean Chry­so­stome (354-402)
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