
Saint Pierre Chrysologue (406-451)
Mosaïque (~425)
San Giovanni Evangelista, Ravenne
L’Ange avait dit aux femmes : « Vite, allez dire à ses disciples : Il est ressuscité d’entre les morts. Il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez. » (Mt 28,7) En disant cela, l’Ange ne s’adressait pas à Marie Madeleine et à l’autre Marie, mais, en ces deux femmes, c’est l’Église qu’il envoyait en mission, c’est l’Épouse que l’Ange envoyait vers l’Époux.
Et tandis qu’elles s’en vont, le Seigneur vient à leur rencontre et les salue en disant : « Je vous salue, réjouissez-vous. » Il avait dit à ses disciples : « Ne saluez personne en chemin. » (Lc 10, 4) Comment se fait-il que sur le chemin il accoure à la rencontre de ces femmes et les salue si joyeusement ? Il n’attend pas d’être reconnu, il ne cherche pas à être identifié, il ne se laisse pas questionner, mais il s’empresse, plein d’élan, vers cette rencontre. Il y court avec ardeur et, en les saluant, il abolit lui-même sa propre prescription. Voilà ce que fait la puissance de l’amour : elle est plus forte que tout, elle déborde tout. En saluant l’Église, c’est lui-même que le Christ salue, car il l’a faite sienne, elle est devenue sa chair, elle est devenue son corps, comme l’atteste l’Apôtre : « Il est la Tête du Corps, c’est-à-dire l’Église. » (Col 1,18)
Oui, c’est bien l’Église en sa plénitude que personnifient ces deux femmes. Les événements le montrent avec évidence. A ses disciples qui doutent de sa résurrection, le Christ doit apporter des preuves, il doit apaiser leurs craintes, il doit les rappeler à la foi en montrant son côté et les trous des clous, puis en prenant avec eux de la nourriture. Et c’est à juste titre qu’il nomme « enfants » ceux qui étaient si petits dans la foi, lorsqu’il leur demande : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ?» (Jn 21,5)
Mais ces femmes, il les trouve déjà parvenues à la maturité de la foi. Elles ont dominé leurs faiblesses et elles se hâtent vers le mystère, elles cherchent le Seigneur avec toute la ferveur de leur foi. Aussi méritent-elles qu’il se donne à elles, lorsqu’il va à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue, réjouissez-vous. » Il les laisse non seulement le toucher, mais le saisir à la mesure de leur amour. Comme nous venons de l’entendre dans la proclamation de l’Évangile : « Elles s’approchèrent et, lui saisissant les pieds, elles se prosternèrent devant lui. » (Mt 28, 9) Oui, elles saisissent ses pieds, ces femmes qui, dans l’Église, sont les modèles des messagers de la Bonne Nouvelle. Elles ont mérité cette grâce par l’élan de leur course. Elles touchent avec tant de foi les pieds du Sauveur qu’il leur est donné d’embrasser la gloire divine.
Saint Pierre Chrysologue (406-451), Sermon 76, 2-3, CCL 24 A, 465-467
> Biographie