Xa­vier Léon-Du­four. Les ap­pa­ri­tions du Seigneur

À un cer­tain ni­veau de lec­ture, les ap­pa­ri­tions du Sei­gneur semblent struc­tu­rées se­lon le type : ini­tia­tive, re­con­nais­sance, mis­sion. Les ré­cits évan­gé­liques sont una­nimes : c’est Jé­sus qui in­ter­vient au­près ou au mi­lieu de gens qui ne s’y at­ten­daient pas. L’in­ten­tion est claire : mon­trer que l’ex­pé­rience n’est pas le ré­sul­tat d’une in­ven­tion des in­té­res­sés, pro­duite par une foi exa­cer­bée ou par une ima­gi­na­tion dé­bri­dée. Cette pré­sen­ta­tion sou­ligne l’as­pect pas­sif des ap­pa­ri­tions ; les ré­cits mettent en va­leur que l’i­ni­tia­tive ap­par­tient au Ressuscité.

La se­conde ca­rac­té­ris­tique des ré­cits est le thème de la re­con­nais­sance. Les dis­ciples dé­couvrent l’i­den­ti­té de l’être qui s’im­pose à eux : c’est ce Jé­sus de Na­za­reth dont ils ont connu la vie et la cru­ci­fixion ; ce­lui qui mou­rut est vi­vant. Da­van­tage, comme dit Luc, c’est toute l’É­cri­ture qui, en Jé­sus, se ré­ca­pi­tule et trouve son sens. En lui, la pro­phé­tie s’ac­com­plit. D’une cer­taine ma­nière, les dis­ciples n’ont plus rien à at­tendre ni à voir dans l’a­ve­nir : tout leur est don­né dans le Ressuscité.

Le mode de cette re­con­nais­sance est pro­gres­sif : dans l’­homme qui vient à eux, les dis­ciples voient d’a­bord un per­son­nage or­di­naire, un voya­geur, un jar­di­nier, puis ils « re­con­naissent » le Sei­gneur. Cette re­con­nais­sance est libre, car, se­lon le thème de l’in­cré­du­li­té qui ap­par­tient à l’en­semble de la tra­di­tion évan­gé­lique, ils au­raient pu re­fu­ser de croire. En­fin sou­vent le constat est col­lec­tif, fa­ci­li­tant par-là le contrôle mu­tuel. Il est pro­bable que, dans la des­crip­tion de ce mode de re­con­nais­sance, il y eut tra­vail lit­té­raire, re­cherche d’une ex­pres­sion de mieux en mieux ajus­tée ; tou­te­fois, on ne peut at­tri­buer le thème de la re­con­nais­sance à l’a­po­lo­gé­tique ni à la théologie.

Les ap­pa­ri­tions ne se ra­mènent pas à la simple re­con­nais­sance « vi­suelle » de ce­lui qu’on avait connu ja­dis ; elles ouvrent aus­si, sous un as­pect « au­di­tif », la re­la­tion à l’a­ve­nir qui doit com­man­der dé­sor­mais l’exis­tence des dis­ciples. Si, en re­con­nais­sant le Sei­gneur, les dis­ciples an­ti­cipent la vi­sion qui se­ra l’a­pa­nage du ciel, ils sont aus­si ra­me­nés à la condi­tion ter­restre de l’au­di­tion de la Pa­role. Ils se tournent en fait vers Jé­sus de Na­za­reth, vers un pas­sé dont ils ad­mirent l’ac­com­plis­se­ment dans le Christ vi­vant, ils sont in­vi­tés à re­gar­der aus­si vers l’a­ve­nir où de­vront s’ex­pri­mer et se dé­ployer les ri­chesses d’un pré­sent conte­nu dans le Ressuscité.

C’est d’a­bord l’ap­pel à conti­nuer l’œuvre de Jé­sus, la mis­sion pro­pre­ment dite, que rend pos­sible la pro­messe de l’Esprit Saint ou son don im­mé­diat. La mis­sion n’est donc pas simple conti­nui­té de l’ac­ti­vi­té pré­pas­cale de Jé­sus de Na­za­reth, mais elle est as­somp­tion et trans­fi­gu­ra­tion de cette œuvre par la pré­sence et l’ac­ti­vi­té de l’Esprit Saint.

Confor­mé­ment à l’en­sei­gne­ment de Jé­sus dans l’a­po­ca­lypse sy­nop­tique, il n’y a plus de signes à voir dans l’a­ve­nir ; le re­gard doit se por­ter sur l’é­vé­ne­ment pas­sé qui seul donne à l’a­ve­nir son sens. La cir­cu­la­ri­té dy­na­mique de ces trois as­pects, peut être re­pré­sen­tée sous un schème tem­po­rel. Par son ini­tia­tive, qui est celle de Dieu même, le Res­sus­ci­té re­nou­velle sans cesse le pré­sent du dis­ciple qui est alors in­vi­té à as­su­mer le pas­sé en la per­sonne de Jé­sus de Na­za­reth, et ce­lui-ci lui donne de construire l’a­ve­nir qui est l’Église.

Xa­vieXa­vier Léon-Du­four (1912-2007), Ré­sur­rec­tion de Jé­sus et mes­sage pascal


Bio­gra­phie
Xa­vier-Léon Du­four s’est en­ga­gé très tôt : sa dé­ci­sion de de­ve­nir prêtre date de ses 17 ans. Il est alors en­tré au sco­las­ti­cat jé­suite où le par­cours est très long, mais le sien le se­ra plus en­core car il ne pro­non­ce­ra ses vœux qu’en 1947, à Rome. La rai­son : sans doute la guerre, car il s’en­gage dans le ré­seau de ré­sis­tance Sud-Ouest. Il passe l’es­sen­tiel de sa car­rière d’en­sei­gnant à l’u­ni­ver­si­té jé­suite de Pa­ris, le Centre Sèvres, pa­ral­lè­le­ment à des fonc­tions édi­to­riales au Seuil et au Cerf. Il par­ti­cipe éga­le­ment aux vifs échanges post-conci­liaires. Il livre son pre­mier ou­vrage en 1954, L’E­van­gile et les évan­giles, sui­vi d’une Concor­dance des évan­giles sy­nop­tiques puis en 1962 d’un autre ou­til es­sen­tiel, son Vo­ca­bu­laire de théo­lo­gie bi­blique, connu sous le nom de VTB par ses nom­breux uti­li­sa­teurs et com­plé­té en 1996 par un Vo­ca­bu­laire du Nou­veau Tes­ta­ment. Il consacre huit an­nées à une Lec­ture de l’é­van­gile se­lon Jean en quatre vo­lumes. Sa dé­vo­tion pour Saint Fran­çois Xa­vier lui ins­pire Saint Fran­çois Xa­vier, iti­né­raire mys­tique de l’a­pôtre en 1996. Son der­nier titre pu­blié en 2003, quatre ans avant sa mort, ré­sume sa dé­marche : Un bi­bliste cherche Dieu.