
L’Église est le sacrement de Jésus Christ. Cela veut dire qu’elle est avec Lui dans un certain rapport d’identité mystique. Nous retrouvons ici les métaphores pauliniennes et les autres images de la Bible que la Tradition chrétienne n’ a cesse d’exploiter. La même intuition de la foi s’y exprime. Tête et membres ne font qu’un seul corps, un seul Christ. L’Époux et l’Épouse sont une seule chair. Chef de son Église, le Christ ne la gouverne pourtant pas du dehors : d’elle à lui, il y a sujétion, dépendance, mais elle est en même temps son achèvement et sa plénitude. Elle est encore le Tabernacle de sa Présence. Elle est l’Édifice dont il est à la fois l’Architecte et la clé de voûte. Elle est le Temple où il enseigne et où il attire avec lui toute la Divinité. Elle est ce Vaisseau dont il est le pilote, cette Arche aux larges flancs dont il est le mât central, assurant la communication de tous ceux qu’elle abrite avec le ciel. Elle est le Paradis, dont il est l’arbre et la source de vie. Elle est l’astre dont il est toute la lumière et qui éclaire notre nuit.
Si l’on n’est pas, de quelque manière, membre du corps, on ne reçoit pas l’influx de la Tête. Si l’on n’adhère pas à l’unique Épouse, on n’est pas aimé de l’époux ; Si l’on profane le Tabernacle, on se prive de la présence sacrée. Si l’on déserte le Temple, on n’entend plus la Parole. Si l’on refuse d’entrer dans l’édifice, ou de se réfugier dans l’Arche, on ne peut trouver celui qui est à leur centre et à leur faîte. Si l’on dédaigne le Paradis, on n’est pas abreuvé ni nourri. Si l’on croit pouvoir se passer de la lumière empruntée, on demeure à jamais plongé dans la nuit de l’ignorance…
Pratiquement, pour chacun de nous, Jésus Christ, c’est donc son Église soit que nous considérions la hiérarchie en nous rappelant ces paroles de Jésus : qui vous écoute, m’écoute, qui vous méprise, me méprise, soit que nous ayons égard à tout le Corps, à cette Assemblée tout entière au sein de laquelle il réside et se montre, du sein de laquelle s’élève ininterrompue, en son nom, la louange de Dieu. Le mot de Jeanne d’Arc à ses juges exprime à la fois la profondeur mystique de la croyance et le bon sens pratique du croyant De Jésus Christ et de l’Église, il m’est avis que c’est tout un, et qu’il n’en faut pas faire difficulté. Ce cri du cœur fidèle est le résumé de la foi des Docteurs.
Quelles que puissent être les difficultés qui nous assaillent, ou les troubles qui risquent de nous égarer, tenons toujours ferme à cette équivalence. Comme Ulysse qui se faisait attacher au mât du navire pour se défendre malgré lui contre les voix des sirènes, accrochons-nous, s’il en est besoin, sans plus rien écouter ni rien voir, à la vérité salvatrice dont saint Irénée nous donne la formule Là où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce, et l’Esprit est vérité. S’écarter de l’Église, c’est rejeter l’Esprit et par cela même s’exclure de la vie. Croyons toujours avec saint Jean qu’il est impossible d’entendre l’Esprit sans écouter ce qu’il dit à l’Église.
Henri de Lubac (1896-1991), L’Église, sacrement de Jésus-Christ
Biographie
Henri de Lubac (1896-1991) est une figure majeure de la théologie catholique du vingtième siècle. Son œuvre de théologien a exercé une réelle influence sur de nombreux intellectuels et suscité des débats parfois très vifs, en particulier sur la « nouvelle théologie » et le « surnaturel ». Avec celui qui devait devenir cardinal c’est aussi la vie de l’Église des années de la seconde guerre mondiale à Vatican II qui est illustrée, en lien avec de grands intellectuels comme Blondel, Teilhard de Chardin, Étienne Gilson et Hans Urs von Balthasar.