Jacques de Sa­roug. Fais le bien avec amour !

Dès que l’amour entre dans ton cœur,
tes pen­sées de­viennent claires comme la lu­mière.
Oui, ton in­tel­li­gence s’ouvre aux mys­tères de Dieu.

Les bonnes ac­tions
plaisent à ceux qui le font.
Mais si tu les fais sans amour,
elles ne te plaisent pas.

Le sel rend la nour­ri­ture meilleure.
De même pour faire de bonnes ac­tions,
il faut aimer.

On peut com­pa­rer les bonnes ac­tions aux membres de ton corps.
L’amour, c’est le cœur qui rend ton corps vivant.

Se pri­ver de nour­ri­ture, c’est bien.
Mais si tu jeûnes sans amour,
tu gardes une mau­vaise odeur dans ta bouche.
Ton jeûne ne sert à rien.

Ta prière est agréable,
et l’amour te donne des ailes
pour vo­ler comme un oi­seau.
Mais si ton aile est faible,
tu ne ver­ras pas le Dieu Très-Haut
là où il habite.

Être juste est une bonne chose
pour ce­lui qui pra­tique la jus­tice.
Mais si tu es juste sans amour,
tu te fa­tigues pour rien.

Si tu gardes ton corps pour le Sei­gneur,
si tu lui ap­par­tiens,
tu re­ce­vras une glo­rieuse ré­com­pense.
Mais si tu n’aimes pas,
tu es comme un homme ma­rié
qui trompe sa femme.

Si tu par­tages ton pain avec ce­lui qui a faim,
tu re­ce­vras une ré­com­pense.
Mais si tu par­tages ton pain sans amour,
tu ne gagnes rien.

Si le mar­tyr donne son corps au feu pour être brû­lé,
il a be­soin d’aimer.
Alors il re­ce­vra la ré­com­pense des martyrs.

Ai­mer est plus im­por­tant
que de par­ler au nom de Dieu
et de croire en lui.
En ef­fet, sans amour,
tu ne peux pas par­ler au nom de Dieu
et tu ne crois pas en lui.

Jacques de Sa­roug (451-521), Poème sur l’amour

Bio­gra­phie
Nous connais­sons Jacques de Sa­roug es­sen­tiel­le­ment grâce à son contem­po­rain Jacques d’Edesse. Né en 451 à Hau­ra sur l’Euphrate, Jacques étu­dia à l’école d’Edesse qui jouis­sait d’un grand re­nom. A 22 ans, il de­vint moine et se mit vite à trans­crire sa mé­di­ta­tion des Écri­tures en poèmes re­li­gieux d’une rare beauté.

Or­don­né prêtre, Jacques de­vint aus­si­tôt vi­si­teur ec­clé­sias­tique de l’église lo­cale d’Harra ; ce fut ain­si pour lui l’occasion de connaître toute la Sy­rie. Vers la fin de sa vie, il fut élu évêque de Bat­nan, en 518. Jacques mou­rut le 29 no­vembre 521 ; en rai­son de ses dons peu com­muns d’écrivain, l’Église sy­riaque lui oc­troie le titre de « harpe de l’Esprit saint », à l’égal de son maître saint Ephrem.

Des 763 poèmes qu’il com­po­sa, un tiers à peine nous est par­ve­nu. Jacques y chante, en de fré­quents ren­vois pleins de sa­gesse aux Écri­tures juives et chré­tiennes, la beau­té de l’agir de Dieu dans l’histoire, sym­bo­li­que­ment re­flé­tée dans le re­gard mi­sé­ri­cor­dieux de Dieu qui nous est ré­vé­lé sur le vi­sage du Christ.