Olivier Messiaen (1908-1992), Le Dieu caché
Jennifer Bate, orgue, Église de la Sainte-Trinité à Paris

Jérôme Bosch (~1450-1516)
Le Jardin des délices (1494-1505), volets ouverts
Musée du Prado, Madrid
« La différence entre les œuvres de Jérôme Bosch et celles des autres consiste en ce que les autres cherchent à peindre les hommes tels qu’ils apparaissent vus du dehors, tandis que lui a les peindre tels qu’ils sont dedans, à l’intérieur… (…) Les tableaux de Bosch ne sont pas absurdes. Ce sont plutôt des livres d’une grande prudence et artifice, et si absurdes sont les nôtres, les siens ne le sont point, et, pour le dire une bonne fois pour toute, il s’agit d’une satire peinte des péchés et de la folie des hommes.«
José de Sigüenza (1544-1606), prêtre, théologien, historien et poète espagnol
Les volets ouverts
L’œuvre serait à lire de façon chronologique : les panneaux extérieurs présenteraient la création du monde. Le panneau de gauche décrirait l’union conduite par Dieu prenant la forme du Christ d’Adam et Ève, dans le Paradis. Le panneau central représenterait une humanité pécheresse avant le Déluge. Le panneau de droite offrirait la vision de l’Enfer où les pécheurs subissent les affres de la torture.
Les volets fermés sont peints en grisaille (nuances de gris). L’arrière-plan est fait d’un gris anthracite presque uniforme composé d’un très léger camaïeu sur la diagonale descendante, allant d’une très faible clarté dans le coin supérieur gauche où se trouve Dieu à un gris anthracite tirant au noir dans le coin inférieur droit.

Jérôme Bosch (~1450-1516)
Le Jardin des délices (1494-1505), volets fermés
Musée du Prado, Madrid
La terre est une demi-sphère recouverte par la coupole du ciel. La lumière illumine la moitié gauche, ce qui montre que la terre est en train d’être créée. En haut à gauche il y a Dieu. Près de lui se trouve l’inscription : « Ipse dixit et facta sunt » et en haut du volet droit « Ipse mandavit et creata sunt »(Ps 32, 9) : « Il parla, et ce qu’il dit exista ; il commanda, et ce qu’il dit survint. » Ces paroles rappellent celle de la Genèse lorsqu’il est écrit : « Que la lumière soit et la lumière fut ».
Le moment représenté correspond à la fin du troisième jour. C’est la fin du déluge, la terre et la mer sont séparées et les végétaux commencent à apparaitre.
Le paradis, panneau de gauche

Un paysage calme et merveilleux.
Pas de signe de tentation,
de culpabilité ni de chute.
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Adam et Eve jeunes et innocents.
Dieu, jeune lui aussi, qui les unit.
L’action se passe sous l’arbre de vie.
Dieu semble regarder le spectateur. Il veut nous interpeller pour dire quelque chose d’important, sa main nous le confirme.
Dieu tient Eve par le poignet et touche Adam du pied. Ils sont donc reliés par son intermédiaire, comme une mise en garde aux personnages et au public : « Attention à ce qui se joue dans les approches de l’homme et de la femme. Cela requiert sagesse et vigilance. »
L’humanité, de l’ordre au désordre, panneau central

C’est ce panneau qui a donné le nom à l’œuvre : Le Jardin des délices.
Dans la partie supérieure du tableau, les humains sont organisés par rapport à la fontaine, notamment avec la ronde. Le premier plan donne au contraire une idée de chaos. Les humains sont partout, sans ordre, et dans toutes les positions. Ce passage de l’ordre au désordre qui se fait du haut vers le bas montre que la prochaine étape sera le dernier panneau : l’enfer.

Éloignés de Dieu, ils se livrent à des actes pervers qui les vouent à l’enfer. Il y a des corps nus dans des positions obscènes.

Les animaux servent à rappeler les pulsions bestiales de l’homme. Ils symbolisent les vices. Des rapprochements contre-nature entre les hommes et les animaux sont sous-entendus.

Certains mangent des fruits qui rappellent le fruit défendu. Ils les prennent volontairement, pas besoin de serpent tentateur, et les croquent à pleine dent. Cette référence montre qu’ils sont au comble de la perversité. Ils se délectent de ce fruit délicieux mais défendu. Ils n’hésitent pas à braver l’interdit et à se moquer des conséquences pour assouvir leur plaisir. Ils ont conscience de leur nudité et de leur dépravation. Mais ils n’affichent aucune honte, aucune culpabilité, ils continuent leurs pratiques.

Même la prostitution est représentée. Des hommes constituent une file devant une tente. Ils parlent avec le maquereau avant d’aller là où les femmes les attendent.
La chute en enfer, panneau de droite

Du noir, du feu, des tortures, de la souffrance : c’est bien l’enfer.

A droite de l’homme au corps en forme d’œuf brisé se trouve l’enfer militaire. Un soldat se fait déchiqueter, d’autres se font transpercer par des épées et d’autres sont dans un objet où ils ont l’air de souffrir puisqu’un homme essaye de s’enfuir.
Cet enfer militaire est soutenu par une amphore et un grand couteau. Le soldat déchiqueté est sur une table et il tient fermement un verre dans sa main. Ces éléments semblent représenter la gloutonnerie et l’ivrognerie.

L’enfer des musiciens. Les instruments de musique, devenus des instruments de torture, sont regroupés au même endroit : Un homme qui se fait sodomisé par un bâton tourne la manivelle d’une chifonie (aussi appelé vielle à roue). Un autre est accroché au manche d’un luth. Un autre est empalé sur une corde de harpe. Deux instruments sont encastrés et écrasent des gens. Un autre est coincé dans la cuisine et semble prendre feu. Un instrument est retenu avec difficulté par un homme qui a une flute dans les fesses. Un homme est coincé dans un tambour, tandis que d’autres se bouchent les oreilles, ne supportant plus les bruits de ces instruments. Plus léger, il y a livre de partition. Un homme a une partition marquée sur ses fesses.

L’enfer des joueurs situé dans le bas à gauche. Nous le reconnaissons grâce aux dés, aux cartes et au jeu de backgammon.

L’enfer des hérétiques. Les hommes qui commandent ont des habits monastiques.
La clef dans laquelle un homme git peut faire référence aux clefs du royaume des cieux que Jésus remet à Saint Pierre. Tu as voulu ébranler les fondements de l’Église, et bien meurt en son sein.
La cloche enfoncée sur la tête d’un autre est tenue par un démon. En prônant tes idées tu t’es éloigné de Dieu, alors sois commandé par le démon et souffre.
Le crâne d’animal rappelle l’endroit où Jésus a été crucifié. (Golgotha, « lieu du crâne »).
Le crâne d’homme, présent dans les tableaux de crucifixions, rappelle la mort de Jésus et donc ce qu’elle signifie. Là, le crâne humain est remplacé par celui d’une bête, ou peut-être même de la Bête, c’est-à-dire Satan. Tu as déformé les propos de dieu alors reste avec tes déformations. Au lieu de reposer en paix (crâne de Jésus, symbolique de la crucifixion) passe l’éternité dans l’horreur (crâne du tableau, crâne de la bête, de Satan).
Mais quel vice ceux qui sont sur le lac gelé ont-ils pu commettre ? Ou ceux qui se font avaler par l’oiseau avant de se faire déféquer ? Le haut du tableau fait-il référence à la peste qui ravage l’Europe depuis plusieurs années ? Jérôme Bosch avait-il anticipé les guerres de religion ? Ou la guerre de dépendance de la Hollande ? Le soldat qui se fait déchiqueter et les moines qui torturent sont-ils des images de l’inquisition ? Le cochon habillé en religieuse qui importune un homme fait-il référence aux abus de l’église ?