Saint Au­gus­tin. Lorsque nous dé­cla­rons voir l’avenir

Hans Bil­ger of Worms, der­nier quart du XVe s.
Saint Au­gus­tin (entre 1489 et 1496)
Lie­bie­ghaus, Skulp­tu­ren­samm­lung, Frank­furt am Main 

Lorsque nous dé­cla­rons voir l’a­ve­nir, ce que nous voyons, ce ne sont pas les évé­ne­ments eux-mêmes, qui ne sont pas en­core, au­tre­ment dit qui sont fu­turs, ce sont leurs causes ou peut-être les signes qui les an­noncent et qui les uns et les autres existent dé­jà : ils ne sont pas fu­turs, mais dé­jà pré­sents aux voyants et c’est grâce à eux que l’a­ve­nir est conçu par l’es­prit et pré­dit. Ces concep­tions existent dé­jà, et ceux qui pré­disent l’a­ve­nir les voient pré­sentes en eux-mêmes. Je vou­drais faire ap­pel à l’é­lo­quence d’un exemple pris entre une foule d’autres. Je re­garde l’au­rore, j’an­nonce le proche le­ver du so­leil. Ce que j’ai sous les yeux est pré­sent, ce que j’an­nonce est fu­tur : non point le so­leil qui est dé­jà, mais son le­ver qui n’est pas en­core. Pour­tant si je n’a­vais pas une image men­tale de ce le­ver même, comme à cet ins­tant où j’en parle, il me se­rait im­pos­sible de le pré­dire. Mais cette au­rore que j’a­per­çois dans le ciel n’est pas le le­ver du so­leil, bien qu’elle le pré­cède ; pas da­van­tage ne l’est l’i­mage que je porte dans mon es­prit : seule­ment toutes les deux sont pré­sentes, je les vois et ain­si je puis dire d’a­vance ce qui va se pas­ser. L’a­ve­nir n’est donc pas en­core ; s’il n’est pas en­core, il n’est pas et s’il n’est pas, il ne peut ab­so­lu­ment pas se voir, mais nous pou­vons le pré­dire d’a­près les signes pré­sents qui sont dé­jà et qui se voient.

Saint Au­gus­tin (354-430), Confes­sions
Bio­gra­phie