
Marcus Verrius Flaccus (~55 av. J.-C. - 20 ap. J.-C.)
Calendrier romain (6-5 av. J.-C.)
Bien que nous manquions d’informations directes (et souvent contradictoires) sur son origine, il s’avère que le calendrier romain était basé sur le cycle lunaire et ne pouvait ainsi s’accorder avec le rythme des saisons. De plus sa prime genèse serait d’ordre religieuse, et comme souvent en ce domaine il est difficile de discerner la part du mythe de la véracité historique. Il est également appelé Calendrier de Romulus et on le fait débuter à la date de la fondation de Rome — qui relève également plus de la mythologie que de l’histoire — laquelle correspondrait au 21 avril de l’année −753 de notre ère.
Chaque mois était inégalement structuré autour de trois célébrations romaines : les calendes, les ides et les nones qui correspondaient antérieurement à la Nouvelle Lune, au Premier Quartier et à la Pleine Lune.
Les Romains utilisant le système décimal, il comptait logiquement 10 mensis (vieux nom latin de la Lune) alternés de 30 et 29 jours : Martius dieu de la guerre, père de Romulus et du peuple romain est le premier honoré ; Aprilus est le mois de la terre qui s’ouvre ; Maïus est réservé au dieu de la croissance ; Junius à Junon la protectrice du mariage ; puis viennent désignés par leur numéro d’ordre : Quintilis, Sextilis, September, October, November et December.

Calendrier d’un fermier romain
⋅ Chaque page comporte trois noms de mois. Chaque mois, en commençant par le haut, comporte le nombre de jours du mois, le jour où il y a des nonae, la durée du jour et de la nuit exprimée en heures, le signe du zodiaque, la divinité protectrice, les travaux à effectuer dans les champs et les fêtes les plus importantes.
Une importante retouche à ce calendrier fut apportée sous le règne de Numa Pompilius, deuxième roi de Rome vers −700, en créant les mois de Januarius voué à Janus, le dieu des portes doté d’une tête à deux faces opposées, et Februarius dédié à la mort et aux purifications. La véracité de l’attribution de cette réforme à Numa Pompilius lui-même semble bien être l’œuvre d’interprétations antiques. Le placement du mois de januarius, dédié à Janus le dieu aux deux faces (l’une tournée vers le passé, l’autre regardant l’avenir), semble être alors au onzième rang. Certains spécialistes s’accordent pour déplacer l’utilisation du mois de janvier en début d’année à une date bien ultérieure : vers −450, voire −153.
Afin d’être également en accord avec les superstitions qui tenaient les nombres pairs pour néfastes, les durées des mois furent portées à 29 et 31 jours, excepté Februarius qui, étant consacré aux morts, pouvait garder une valeur paire de 28 jours.
Rang | Avant réforme | Jours | Après réforme | Jours |
---|---|---|---|---|
1 | Martius | 30 | Martius | 31 |
2 | Aprilus | 29 | Aprilus | 29 |
3 | Maïus | 30 | Maïus | 31 |
4 | Junius | 29 | Junius | 29 |
5 | Quintilis | 30 | Quintilis | 31 |
6 | Sextilis | 29 | Sextilis | 29 |
7 | September | 30 | September | 31 |
8 | October | 29 | October | 29 |
9 | November | 30 | November | 31 |
10 | December | 29 | December | 29 |
11 | Januarius | 29 | ||
12 | Februarius | 28 |
Dans le souci de rester en accord avec le cycle des saisons, on intercala tous les deux ans un mois supplémentaire d’une vingtaine de jours (la durée exacte était fixée en fonction du retard à combler). La modification avait lieu le dernier mois de l’année, entre le 23 et 24 februarius. Cette décision était prise par les autorités religieuses, la plupart du temps de façon totalement anarchique et différemment selon les lieux. Cette durée variable devint très vite une source de corruption politique, étant utilisée de manière à favoriser ou contrecarrer les plans des amis ou adversaires.
Ce calendrier fut maintes fois remanié, ce qui ne fit qu’aboutir à une confusion encore plus grande : en −46, il y avait trois mois d’écart par rapport à l’année tropique, période séparant deux passages successifs du Soleil au point vernal. Elle vaut 365,24,22 jours.
Le calendrier julien
Ce décalage amena Jules César à promulguer une nouvelle réforme du calendrier. Après une meilleure estimation de l’année tropique et sous les conseils de l’astronome Sosigène d’Alexandrie, l’année civile devint séparée de l’année lunaire et portée à 365 jours. Les 12 mois prirent une durée alternée de 31 et 30 jours, excepté février qui n’en comptait que 29. Le début de l’année fut fixé au jour de l’entrée en fonction des consuls, soit le 1er januarius. Après une année de confusion de 455 jours, ce nouveau calendrier, qui prit le nom de calendrier julien, commence ainsi officiellement le 1er janvier −44 suivant la nomenclature actuelle.
Afin de garder l’accord avec l’année tropique, on incorporait un jour supplémentaire tous les quatre ans au mois de februarius. Ce jour était intercalé entre le 23 et 24 februarius, à la même place que le mois intercalaire de l’ancien calendrier. Le 24 februarius étant le sixième jour avant les calendes de mars portait le nom de « sexto ante calendas martis ». Le jour intercalaire, considéré comme un simple doublement de ce 24 februarius, prenait le nom de « bis sexto ante calendas martis », qui a donné son nom à nos années bissextiles.
Jules César meurt assassiné peu après l’instauration de son calendrier. Le mois Quintilis, étant celui de sa naissance et de surcroît sans consécration propre, fut rebaptisé Julius en son honneur. Curieusement sa réforme est mal appliquée. Les années bissextiles viennent tous les 3 ans, et une certaine confusion règne à nouveau.
Octave, l’un de ses successeurs qui se verra vite offrir le titre impérial d’Augustus par le Sénat, se charge de remettre les « pendules à l’heure » en suspendant les années bissextiles durant 12 ans. En guise de remerciement il se verra attribuer le mois suivant, porté pour l’occasion à un nombre de jour égal à celui de Julius (31). Ainsi s’explique la succession de 2 mois de 31 jours au milieu de notre année. Afin de ne pas en avoir un troisième consécutif et de garder la valeur de l’année à 365 jours, les mois suivant permutent leurs durées et le mois de février redescend à 28 jours.

Calendrier des Fasti Antiates Maiores (67-55), Fragment d’un calendrier romain de l’époque de l’empereur Auguste
Musée du théâtre romain, Caesaraugusta
⋅ Les jours du calendrier des Fasti Antiates Maiores sont désignés par les lettres de A à H (période de huit jours). La lettre N désigne un jour néfaste, le F désigne un jour faste, le C (comitiaux) pendant lesquels pouvaient être convoqués les comices, assemblées générales du peuples.
À l’exception de la semaine qui n’est pas encore adoptée, le calendrier julien, après la réforme d’Auguste, a pratiquement la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Il restera en vigueur jusqu’à la fin du XVIe siècle.
Rang | Calendrier julien | Jours | Après réforme | Jours |
---|---|---|---|---|
1 | Januarius | 31 | Januarius | 31 |
2 | Februarius | 29 ou 30 | Februarius | 28 ou 29 |
3 | Martius | 31 | Martius | 31 |
4 | Aprilus | 30 | Aprilus | 30 |
5 | Maïus | 31 | Maïus | 31 |
6 | Junius | 30 | Junius | 30 |
7 | Quintilis | 31 | Julius | 31 |
8 | Sextilis | 30 | Augustus | 31 |
9 | September | 31 | September | 30 |
10 | October | 30 | October | 31 |
11 | November | 31 | November | 30 |
12 | December | 30 | December | 31 |
Pavement, première moitié du IIIe s. ap. J.C. trouvé à el Jem, Tunisie

Mosaïque, première moitié du IIIe s. ap. J.C. trouvée à el Jem, Tunisie
Musée archéologique, Sousse 1
Les saisons et les mois, sont illustrés par des scènes caractéristiques, placées dans de petits carrés insérés sur plusieurs rangées parallèles dans une trame géométrique assez dense.

Les saisons sont symbolisées par des personnages masculins en pied occupant la rangée de gauche. En haut, le printemps est un jeune homme en tunique verte, la tête couronnée de fleurs et porte un chevreau sur les épaules.
L’été apparaît sous les traits d’un adolescent, vêtu d’une courte blouse jaune, serrée à la taille par une ceinture, brandissant une faucille et portant une gerbe d’épis sur son épaule.
Un satyre en tunique rouge, muni d’un rhyton et d’un pedum (bâton pastoral à bout recourbé), la tête entourée de feuilles de vigne, personnifie l’automne.
L’hiver est un homme qui porte une tunique sombre et un capuchon, d’une main il tient un lièvre et de l’autre, une longue tige de millet à laquelle sont attachés deux canards sauvages, symbolisant les chasses de l’hiver.
A droite des Saisons, figurent les Mois

Le printemps groupe Mars, Avril et Mai. Les romains faisaient commencer l’année par Mars, symbolisé par trois hommes tenant une peau de bête qu’ils semblent battre à l’aide d’une épée ou un bâton. Avril, montre en premier plan deux hommes en train d’exécuter un pas de danse en brandissant les cierges allumés et en agitant des crotales. Un édicule à fronton abrite une statue de Vénus à sa toilette. Le mois de Mai est consacré à Mercure, dont la statue est dressée, à droite du cadre sur un socle quadrangulaire. Le dieu est complètement nu, à ses pieds est posée une carapace de tortue. A gauche on voit un prêtre vêtu d’une longue tunique blanche et muni d’une tablette d’encens qui s’apprête à sacrifier un chevreau sur un autel.

L’été groupe Juin, Juillet et Août. Juin est présenté par deux hommes installés dans une boutique au plafond de laquelle sont suspendues des cruches servant à boire à un troisième, ce sont probablement des vendeurs de boissons. Juillet montre un jeune homme qui court en tendant la main vers l’avant, le dos chargé d’un filet enserrant des gerbes d’épis. Le mois d’Aout est symbolisé par une statue d’Artémis- Diane dressée sur un socle quadrangulaire que flanquent un cerf et un chien. La déesse porte une tunique courte et un manteau à bouts flottants, dans sa main droite elle tient un arc et de la main gauche elle retire une flèche de son carquois.

L’automne, troisième rangée, groupe Septembre, Octobre et Novembre. Septembre est symbolisé par une scène de deux hommes à moitié nue, occupés à fouler des raisins dans une cuve rectangulaire. Pour conserver leur équilibre, les manœuvres, tiennent, chacun, les deux bouts d’une corde qui passe autour d’une barre fixée au dessus de leur tête. Le mout coule dans un grand chaudron, par l’intermédiaire d’une rigole aménagée dans la paroi de la cuve. Le mois d’Octobre est symbolisé par deux astrologues orientaux. Ils sont tournés l’un vers l’autre et lèvent tous les deux la main droite pour montrer une étoile. Leur costume est composé d’une longue tunique blanche, que recouvre un manteau jaune pour l’un, vert pour l’autre. Le mois de Novembre est symbolisé par trois personnages, le premier à gauche, a le visage recouvert d’un masque d’Anubis à tête de chacal. Ses deux compagnons portent sur la tête le bonnet à plumes des prêtres d’Isis.

L’hiver groupe Décembre, Janvier et février. Décembre montre une scène qui se rapporte à la fête des saturnales. On y voit trois esclaves vêtus d’un simple pagne qui rythment un pas de danse en brandissant une torche et en claquant les mains, pour exprimer leur joie d’être traités, à l’occasion de cette fête, sur pied d’égalité par leurs maitres. Le mois de Janvier est consacré au culte des Pénates, deux personnages chaudement vêtus d’un manteau sombre et d’un foulard, sont en train d’échanger des vœux. A leur gauche, se dresse une statuette auprès de laquelle sont déposées des offrandes caractéristiques : galette, poupée et pelote de laine. Le mois de Février termine l’année, un jeune chevalier romain, torse nu, frappe avec une lanière de peau de bouc le ventre d’une jeune femme pour la rendre féconde.
Tous les tableaux sont accompagnés de légendes permettant de reconnaître les mois qu’ils symbolisent.
La réforme grégorienne
L’année tropique est égale à 365,242 2. L’année julienne est basée sur une durée de 365,25 jours, elle est donc plus longue d’un peu plus de 11 mn, soit un jour plein par période de 128 ans. L’écart était déjà de près de 3 jours en l’an 325.
En cette année 325 se réunit le premier concile œcuménique reconnu de l’histoire : celui de Nicée. Il devait (entre autre) fixer la date officielle de Pâques qui, selon la règle, est le premier dimanche après la Pleine Lune qui suit l’équinoxe. Équinoxe : en raison de l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre sur le plan de son orbite, ce dernier n’est pas confondu avec l’équateur. Aux dates de transition du Soleil d’un hémisphère à l’autre, la durée du jour et de la nuit deviennent égales.
Malgré la nécessité évidente de modifier le calendrier julien, il fut seulement décrété que l’équinoxe de printemps aurait désormais lieu tous les 21 mars et l’on ne prit pas soin de corriger la durée de l’année. L’erreur, pensait-on à l’époque, venait de ce que l’astronome Sosigène d’Alexandrie (Ier siècle avant notre ère) avait mal déterminé la date de l’équinoxe. Ainsi, l’écart entre le 21 mars et l’équinoxe (vraie) continua d’augmenter.
Ce n’est qu’au XIIIe siècle que l’on comprit que ce décalage provenait d’une valeur erronée pour la longueur de l’année.
En accord avec les astronomes, les théologiens réexaminèrent le problème au concile de Constance (1414 - 1418) puis à celui de Trente, réclamé lui depuis un demi-siècle (1545 - 1563). Ce dernier confia le soin de la réforme au Saint-Siège.
En 1570, le pape Grégoire XIII nomma une commission présidée par le cardinal Sirleto, assisté d’un savant jésuite : Christophoro Clavio (astronome et mathématicien d’origine allemande plus connu sous le nom de Clavius, mais de son vrai nom Christoph Schlüssel, 1537 - 1612), d’un théologien : Vincenzo Laureo, et d’un juriste français : Séraphin Olivier. L’affaire fut également étudiée dans les universités catholiques d’Alcalà, Louvain, Padoue, Paris et Salamanque. Cette commission s’inspira très largement des travaux de l’astronome italien Luigi Giglio (Aloysius Lilius, 1510 - 1576). Après son décès, son projet de réforme fut remis par son frère au pape Grégoire XIII. Luigi Giglio est certainement le véritable architecte du calendrier grégorien.
Le 24 février 1582, un acte émanant du pape institua le nouveau calendrier. Les 10 jours surnuméraires (l’équinoxe tombait alors le 11 mars) seront supprimés, ainsi le jeudi 4 octobre 1582 sera immédiatement suivi du vendredi… 15 octobre 1582. (En France on passa du dimanche 9 au lundi 20 décembre 1582 et notre calendrier moderne était né).

Grégoire XIII et la commission de réforme du calendrier (1582-1583), , Archives de l’État, Sienne
⋅ L’astronome indique au pape la position du soleil dans les constellations de la balance et du scorpion au cours des mois d’octobre-novembre
⋅ Blasons de dix familles siennoises : Trecerchi, Savini, Ugurgieri, Bronconi, Turamini, Spennazzi, Cerretani, De Vecchi, Rocchi, Bocciardi
⋅ Inscription : SCIPIO TURAMINUS CRESCENTII FILIUS (a), CUM FUERIT MAGISTRATUS BICCHERNAE CAMERARIUS, TEMPORE QUO GREGORIUS XIII PONTIFEX MAXIMUS ANNO REFORMAVERIT, IN PERPETUAM HUIUS REI MEMORIAM HANC TABOLA PINGERE FECIT
Cette décision de supprimer 10 jours provoqua un véritable tollé : les serviteurs réclamèrent leur mois de gage complet, évidemment leurs maîtres refusèrent, et d’une façon plus générale les citoyens virent d’un mauvais œil leur vie raccourcie par simple autorité papale.
De plus, afin de garder l’accord avec l’année tropique, 3 jours devront être supprimés par période de 400 ans. Ainsi seules les années séculaires divisibles par 400 resteraient bissextiles, alors qu’elles l’étaient toutes dans le calendrier julien (1600, 1700, 1800, 1900, 2000 et 2100 sont divisibles par 4 et dans le calendrier julien elles sont toutes bissextiles ; avec le nouveau système, seules 1600 et 2000 sont divisibles par 400 et restent bissextiles, en revanche 1700, 1800, 1900 et 2100 ne le sont pas et deviennent des années « ordinaires »).
Malgré cette amélioration, il subsiste une différence de 26 secondes entre l’année grégorienne et l’année tropique, mais il faut 3 300 ans pour atteindre un décalage d’une journée.
La réforme fut adoptée par tous les états catholiques entre les années 1583 et 1587. Les protestants, ne pouvant accepter la réforme d’un pape catholique, firent de la résistance.
L’ Angleterre ne se laissa convaincre qu’en 1752 après avoir retiré 11 jours et adopté le 1er janvier comme début d’année ; leur ancien calendrier faisait démarrer l’année le 25 mars. Tout en se gardant bien de l’appeler « grégorien », l’adoption du nouveau calendrier fit que le jour suivant le 31 décembre 1751 devint le 1er janvier 1752 (au lieu de 1751). De plus, afin de corriger les erreurs accumulées avec l’ancien calendrier julien, il fut décidé que le lendemain du 2 septembre 1752 serait le 14 septembre de la même année. Pas étonnant qu’en matière de chronologie, les historiens aient parfois bien du mal à s’y retrouver.
Le Japon se rallia au groupe le 1er janvier 1873 (dans la réalité, il semblerait qu’il ne soit utilisé que parallèlement à l’ancien système des années de règne). Les pays orthodoxes furent encore plus longs à résister : Russie en 1919 et Turquie en 1924.
La Chine, jusqu’à la fondation de la République en 1911, combinait les titres des années de règne aux années lunaires. Ensuite, en passant à une année solaire, les dates furent calculées à partir du début de la République. Le calendrier grégorien fut finalement adopté en 1949. Officiellement seulement, car si l’administration et les structures officielles respectent le calendrier grégorien, le peuple suit toujours le calendrier traditionnel pour les fêtes et les célébrations.
Le calendrier julien reste utilisé dans la République monastique du mont Athos, dans les Églises orthodoxes de Russie, de Géorgie, de Macédoine, de Serbie et de Jérusalem, chez les Berbères du Maghreb et dans le calendrier rûmi en Turquie.