Ro­bert De­lau­nay. Joie de vivre, ten­sion vers l’infini

Franz Schu­bert (1797-1828), Ro­sa­munde, En­tr’acte no 3
Ber­li­ner Phil­har­mo­ni­ker, dir. Clau­dio Aba­do (2009)

Ro­bert De­lau­nay (1885-1941)
Joie de vivre (1930)
Mu­sée d’Art mo­derne, Paris 

L’œuvre de Ro­bert De­lau­nay est gé­né­ra­le­ment di­vi­sée en deux par­ties chro­no­lo­giques : le néo-im­pres­sion­nisme de sa jeu­nesse d’une part, puis l’or­phisme, branche du cu­bisme et avant-garde de l’abs­trac­tion, consti­tuant sa maturité.

Mar­qué par la Tour Eif­fel et l’ex­po­si­tion uni­ver­selle de 1900, son œuvre reste in­fluen­cée par les grands mou­ve­ments ar­tis­tiques de son temps. Sa vie en Es­pagne où il est blo­qué du­rant la pre­mière guerre mon­diale re­dé­fi­nit ses tra­vaux sur la lu­mière, dif­fé­rente de celle de la France. Il par­ti­cipe, sans en avoir for­mu­lé le vœu, à l’ex­po­si­tion uni­ver­selle de 1937 pour la­quelle il réa­lise de nom­breuses dé­co­ra­tions murales.

De­lau­nay est le fon­da­teur et le prin­ci­pal ar­ti­san du mou­ve­ment or­phique (lan­gage lu­mi­neux), branche du cu­bisme et im­por­tant mou­ve­ment d’a­vant-garde du dé­but du XXe siècle : les cou­leurs rem­placent les ob­jets, qui n’ont plus de sub­stance et laissent la place à la lu­mière. C’est « l’­har­mo­nie re­pré­sen­ta­tive » ou har­mo­nie pic­tu­rale tra­duite par le seul agen­ce­ment des cou­leurs. Ses tra­vaux prennent pour ori­gine plu­sieurs théo­ries sur la cou­leur en vogue à l’é­poque, pour la plu­part er­ro­nées. Sa pein­ture s’ap­puie sur les phé­no­mènes de ré­frac­tion des rayons lu­mi­neux, et il étale les fais­ceaux se­lon l’é­ven­tail de leur dé­com­po­si­tion pris­ma­tique en ex­pli­quant : « Rien d’­ho­ri­zon­tal ou de ver­ti­cal, la lu­mière dé­forme tout, brise tout. » 

La forme
Deux lignes asy­mé­triques, une dia­go­nale et une ligne ver­ti­cale forment la base. Sur ces lignes viennent se gref­fer deux sé­ries de cercles concentriques.

Les formes géo­mé­triques de base sont le cercle et le disque, or­don­nés de fa­çon très simples. Ces fi­gures se su­per­posent, s’en­tre­croisent et s’in­ter­pé­nètrent, don­nant ain­si un rythme qui rap­pelle le monde où la ma­chine et la vi­tesse com­mencent à in­fluen­cer le com­por­te­ment so­cial. Les formes sont tra­cées à main le­vée, sans ri­gueur au ni­veau des contours.

Ce ta­bleau uti­lise les va­ria­tions chro­ma­tiques : la lu­mière du so­leil est dé­com­po­sée en jaune, orange, rouge, in­di­go, bleu fon­cé, bleu clair et vert. 

Les tech­niques
On trouve des op­po­si­tions vert/​rouge, jaune/​violet, bleu/​orange ; les cou­leurs, vives et pures. s’é­qui­librent se­lon le prin­cipe du contraste si­mul­ta­né. Les cou­leurs vives sont po­sées de fa­çon à créer un rap­port d’op­po­si­tion chaud/​froid et clair/​obscur. L’a­jout de quelques touches de blanc et de noir ac­cen­tue l’ef­fet de lu­mi­no­si­té et d’obscurité.

Le sens
De­lau­nay aime par­ti­cu­liè­re­ment le so­leil dont il re­prend la forme dans cette œuvre. Il est le sym­bole de la lu­mière, su­jet d’é­tude fa­vo­ri de l’artiste.

L’u­ti­li­sa­tion des cou­leurs de l’arc-en-ciel (cou­leurs de la lu­mière) qu’il fait tour­noyer dans des cercles, sym­boles de per­fec­tion, per­met à De­lau­nay de cé­lé­brer la joie de vivre. La jux­ta­po­si­tion de cou­leurs crée une sen­sa­tion de vi­bra­tion, et donne le mou­ve­ment. L’im­pres­sion d’­har­mo­nie est don­née éga­le­ment par les dé­gra­dés de cou­leurs. Cette as­so­cia­tion pro­voque une ten­sion qui nous en­traîne vers l’infini.