Marc Cha­gall. Moïse et le buis­son ardent

Je­han Alain, Jar­din sus­pen­du
Ma­rie-Claire Alain, orgue de la Ba­si­lique St-Chris­tophe, Belfort 

Marc Cha­gall (1887-1985)
Moïse de­vant le buis­son ar­dent (1960-1966)
Mu­sée Marc Cha­gall, Nice 

« Moïse était ber­ger du trou­peau de son beau-père Jé­thro, prêtre de Ma­diane. Il me­na le trou­peau au-de­là du dé­sert et par­vint à la mon­tagne de Dieu, à l’Horeb. » (Ex 3, 1)

Le ta­bleau est di­vi­sé en trois par­ties in­égales. Celle de droite, la plus large re­pré­sente Moïse tom­bant à ge­noux. La deuxième re­pré­sente le buis­son ar­dent et l’ange de Dieu dans un cercle de lu­mière. La troi­sième montre Moïse en­traî­nant après lui comme dans un man­teau le peuple sau­vé de la fu­reur de Pha­raon par le mi­racle de la mer qui se re­ferme sur les chars et les guerriers.

Le ciel est par­cou­ru d’oi­seaux et d’anges. 

Des rayons sortent de la tête de Moïse. Cha­gall a tran­ché dans le vieux dé­bat sur cette par­ti­cu­la­ri­té de Moïse quand il re­des­cend vers le peuple après l’é­pi­sode du veau d’or. Le texte hé­breu est gé­né­ra­le­ment tra­duit ain­si : « Son vi­sage rayon­nait de lu­mière. » (Ex 34, 29) Mais le mot hé­breu qui si­gni­fie « rayon­ner » si­gni­fie aus­si « por­ter des cornes ». Cha­gall a don­né à Moïse des cornes de lumière.

« L’ange du Sei­gneur lui ap­pa­rut dans la flamme d’un buis­son en feu. Moïse re­gar­da : le buis­son brû­lait sans se consu­mer. » (Ex 3, 2) Au som­met de la toile, dans l’arc en ciel, signe de l’al­liance, Dieu ap­pa­raît sous la forme d’un ange au-des­sus du buis­son ar­dent qui flambe sans se consu­mer. Il donne à Moïse la mis­sion de li­bé­rer le peuple hé­breu et de le conduire hors d’Égypte.

« Main­te­nant donc, va ! Je t’envoie chez Pha­raon : tu fe­ras sor­tir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » (Ex 3, 10) L’ange de Cha­gall ouvre en grand les bras et sou­rit. Ce geste d’ac­cueil et d’ou­ver­ture an­nonce une autre ou­ver­ture, celle de la mer.

La gauche de la toile montre la réa­li­sa­tion de la pro­messe et le pas­sage de la Mer Rouge. Moïse dont la tête rayon­nante re­garde les tables de la Loi, en­traîne comme dans un man­teau le peuple pro­té­gé de ses pour­sui­vants par la vague qui sub­merge les guer­riers et les chars.

« Moïse éten­dit le bras sur la mer. Le Sei­gneur chas­sa la mer toute la nuit par un fort vent d’est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fen­dirent. » (Ex 14, 21) Alors que Moïse des­cen­dait de l’­Ho­reb en por­tant les Tables de la Loi, ici c’est le peuple qui est en­traî­né vers Moïse dont le vi­sage est lu­mière. Le peuple pour­sui­vi et per­sé­cu­té monte vers la vie. Mes­sage d’es­poir mal­gré toutes les per­sé­cu­tions pen­dant les­quelles il est dif­fi­cile de per­ce­voir autre chose que le si­lence as­sour­dis­sant de Dieu.

« Moïse éten­dit le bras sur la mer. Le Sei­gneur chas­sa la mer toute la nuit par un fort vent d’est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fen­dirent. » (Ex 14, 23) Ef­frayés et bous­cu­lés, les chars et les che­vaux es­saient en vain d’é­chap­per à la vague qui les sub­merge. Il est éton­nant de consta­ter la res­sem­blance entre le buis­son en flammes et les corps tour­men­tés des guer­riers dont les bras rouges s’é­lèvent comme les branches en feu.