Mat­thias Grü­ne­wald. Crucifixion

Gre­go­rio Al­le­gri (1582-1652), Mi­se­rere
Choir of New Col­lege, Ox­ford, dir. Ed­ward Higginbottom 

Mat­thias Grü­ne­wald (1475-1528)
Cru­ci­fixion, Re­table d’Is­sen­heim (1512-1516)
Avers des vo­lets fer­més
Mu­sée d’Un­ter­lin­den, Colmar 

Cette scène est d’une dra­ma­tur­gie ab­so­lu­ment sai­sis­sante, d’un réa­lisme pous­sé à l’extrême, en même temps qu’elle dé­gage une im­pres­sion sur­na­tu­relle d’irréalité qui pro­vient sur­tout du contraste entre le corps tor­tu­ré du Christ, comme une co­quille cri­blée de plaies et de piques, et la vi­gueur du per­son­nage qui se tient à sa gauche, saint Jean-Bap­tiste. L’irréalité est en­core ren­for­cée par le fait que le Bap­tiste est mort six mois plus tôt, et qu’il est re­pré­sen­té ici bien vi­vant, dans la force de l’âge. Il montre du doigt le corps en croix, et pro­nonce ces mots : Illum op­por­tet cres­cere, me au­tem mi­nui (Il faut que ce­lui-ci gran­disse, et moi que je di­mi­nue). Ces mots, pro­non­cés par le seul élé­ment por­teur de vie dans ce monde sa­tu­ré de mort, de souf­france et de tra­gé­die, tant par l’ex­pres­sion des per­son­nages que par la na­ture, ne trouve nul écho ni vrai­sem­blance au­près du spec­ta­teur, et ap­pa­raît comme tout sim­ple­ment incroyable. 

Il faut sa­voir que ce re­table se trou­vait dans un mo­nas­tère des An­to­nins, qui soi­gnaient les per­sonnes at­teinte de la ma­la­die qu’on ap­pe­lait alors le feu de Saint-An­toine, et qu’on sait aujourd’hui être due à un pa­ra­site du seigle (l’ergot du seigle). Ces ma­lades étaient ame­nés de­vant le re­table fer­mé et, en voyant la scène ter­rible de la cru­ci­fixion, ne man­quaient pas de s’identifier au corps meur­tri du Christ, eux dont le corps se trou­vait lui aus­si dé­for­mé par la ma­la­die et en­va­hi dé­jà par la mort. Aus­si en­ten­daient-ils les mots adres­sés par saint Jean Bap­tiste comme des mots d’espoir, comme si ce der­nier, à tra­vers le des­tin du Christ, leur mon­trait le chemin. 

Psaume 50
Mi­se­rere mei Deus,
se­cun­dum ma­gnam mi­se­ri­cor­diam tuam,

Et se­cun­dum mul­ti­tu­di­nem mi­se­ra­tio­num tua­rum,
dele ini­qui­ta­tem meam.

Am­plius la­va me ab ini­qui­tate mea,
et a pec­ca­to meo mun­da me,

Quo­niam ini­qui­ta­tem meam ego co­gnos­co,
et pec­ca­tum meum contra me est semper.

Ti­bi so­li pec­ca­vi, et ma­lum co­ram te fe­ci,
ut jus­ti­fi­ce­ris in ser­mo­ni­bus tuis,
et vin­cas cum judicaris.

Ecce enim in ini­qui­ta­ti­bus concep­tus sum,
et in pec­ca­tis conce­pit me ma­ter mea,

Ecce enim ve­ri­ta­tem di­lexis­ti in­cer­ta
et oc­cul­ta sa­pien­tiae tuae ma­ni­fes­tas­ti mihi.

As­perges me hys­so­po et mun­da­bor ;
la­va­bis me et su­per ni­vem dealbabor.

Au­di­tui meo da­bis gau­dium et lae­ti­tiam,
et ex­sul­ta­bunt os­sa humiliata.

Averte fa­ciem tuam a pec­ca­tis meis,
et omnes ini­qui­tates meas dele.

Cor mun­dum crea in me Deus,
et spi­ri­tum rec­tum in­no­va in vis­ce­ri­bus meis.

Ne pro­ji­cias me a fa­cie tua,
et Spi­ri­tum Sanc­tum tuum ne au­fe­ras a me.

Redde mi­hi lae­ti­tiam sa­lu­ta­ris tui,
et Spi­ri­tu prin­ci­pa­li confir­ma me.

Do­ce­bo ini­quos vias tuas
et im­pii ad te convertentur.

Li­be­ra me de san­gui­ni­bus Deus, Deus sa­lu­tis mae,
et ex­sul­ta­bit lin­gua mea jus­ti­tiam tuam,

Quo­niam si vo­luisses sa­cri­fi­cium, de­dis­sem utique ;
ho­lo­caus­ti non delectaberis.

Sa­cri­fi­cium Deo spi­ri­tus contri­bu­la­tus,
cor contri­tum et hu­mi­lia­tum Deus, non despicies.

Be­nigne fac, Do­mine, in bo­na vo­lun­tate tua Sion,
ut ae­di­fi­ce­tur mu­ri Jerusalem.

Tunc ac­cep­ta­bis sa­cri­fi­cium jus­ti­tiae, obla­tiones et ho­lo­caus­ta ;
tunc im­ponent su­per al­tare tuum vitulos.

Glo­ria Pa­tri, et Fi­lio,
et Spi­ri­tui Sancto,

si­cut erat in prin­ci­pio,
et nunc et sem­per
et in sae­cu­la sae­cu­lo­rum.
Amen.
___

Pi­tié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
se­lon ta grande mi­sé­ri­corde, ef­face mon péché.

Lave-moi tout en­tier de ma faute,
pu­ri­fie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon pé­ché,
ma faute est tou­jours de­vant moi.

Contre toi, et toi seul, j’ai pé­ché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ain­si, tu peux par­ler et mon­trer ta jus­tice,
être juge et mon­trer ta victoire.

Moi, je suis né dans la faute,
j’é­tais pé­cheur dès le sein de ma mère.

Mais tu veux au fond de moi la vé­ri­té ;
dans le se­cret, tu m’ap­prends la sagesse.

Pu­ri­fie-moi avec l’­hy­sope, et je se­rai pur ;
lave-moi et je se­rai blanc, plus que la neige.

Fais que j’en­tende les chants et la fête :
ils dan­se­ront, les os que tu broyais.

Dé­tourne ta face de mes fautes,
en­lève tous mes péchés.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
re­nou­velle et raf­fer­mis au fond de moi mon esprit.

Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me re­prends pas ton es­prit saint.

Rends-moi la joie d’être sau­vé ;
que l’es­prit gé­né­reux me soutienne.

Aux pé­cheurs, j’en­sei­gne­rai tes che­mins ;
vers toi, re­vien­dront les égarés.

Li­bère-moi du sang ver­sé, Dieu, mon Dieu sau­veur,
et ma langue ac­cla­me­ra ta justice.

Sei­gneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche an­non­ce­ra ta louange.

Si j’offre un sa­cri­fice, tu n’en veux pas,
tu n’ac­ceptes pas d’holocauste.

Le sa­cri­fice qui plaît à Dieu, c’est un es­prit bri­sé ;
tu ne re­pousses pas, ô mon Dieu, un cœur bri­sé et broyé.

Ac­corde à Sion le bon­heur,
re­lève les murs de Jérusalem.

Alors tu ac­cep­te­ras de justes sa­cri­fices, obla­tions et ho­lo­caustes ;
alors on of­fri­ra des tau­reaux sur ton autel.

Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit,

comme il était au com­men­ce­ment,
main­te­nant et tou­jours
et pour les siècles des siècles.
Amen.
___

Ber­nard Re­naud (*1929), > Pu­ri­fi­ca­tion et re­créa­tion, Le « Mi­se­rere » (Ps 50/51)
Prêtre du dio­cèse d’Angers et pro­fes­seur émé­rite de la fa­cul­té de théo­lo­gie ca­tho­lique de Stras­bourg, Ber­nard Re­naud a aus­si en­sei­gné à la fa­cul­té de théo­lo­gie d’An­gers et pu­blié plu­sieurs livres dont trois sur le thème de l’alliance.