Rem­brandt. Les pè­le­rins d’Emmaüs

Tho­mas Tal­lis (1505-1585), O sa­crum convi­vium
Ox­ford Ca­me­ra­ta, dir. Je­re­my Summerly 

Rem­brandt (1606-1669)
Les Pè­le­rins d’Em­maüs (1648)
Le Louvre, Paris 

Lc 24, 13-35
13 Et voi­ci que, ce même jour, deux d’entre eux se ren­daient à un vil­lage du nom d’Emmaüs, à deux heures de marche de Jé­ru­sa­lem. 14 Ils par­laient entre eux de tous ces évé­ne­ments. 15 Or, comme ils par­laient et dis­cu­taient en­semble, Jé­sus lui-même les re­joi­gnit et fit route avec eux ; 16 mais leurs yeux étaient em­pê­chés de le reconnaître.

17 Il leur dit : « Quels sont ces pro­pos que vous échan­gez en mar­chant ?» Alors ils s’arrêtèrent, l’air sombre. 18 L’un d’eux, nom­mé Cléo­pas, lui ré­pon­dit : « Tu es bien le seul à sé­jour­ner à Jé­ru­sa­lem qui n’ait pas ap­pris ce qui s’y est pas­sé ces jours-ci !» – 19 « Quoi donc ?» leur dit-il. Ils lui ré­pon­dirent : « Ce qui concerne Jé­sus de Na­za­reth, qui fut un pro­phète puis­sant en ac­tion et en pa­role de­vant Dieu et de­vant tout le peuple : 20 com­ment nos grands prêtres et nos chefs l’ont li­vré pour être condam­né à mort et l’ont cru­ci­fié ; 21 et nous, nous es­pé­rions qu’il était ce­lui qui al­lait dé­li­vrer Is­raël. Mais, en plus de tout ce­la, voi­ci le troi­sième jour que ces faits se sont pas­sés. 22 Tou­te­fois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bou­le­ver­sés : s’étant ren­dues de grand ma­tin au tom­beau 23 et n’ayant pas trou­vé son corps, elles sont ve­nues dire qu’elles ont même eu la vi­sion d’anges qui le dé­clarent vi­vant. 24 Quelques-uns de nos com­pa­gnons sont al­lés au tom­beau, et ce qu’ils ont trou­vé était conforme à ce que les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »

25 Et lui leur dit : « Es­prits sans in­tel­li­gence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont dé­cla­ré les pro­phètes ! 26 Ne fal­lait-il pas que le Christ souf­frît ce­la et qu’il en­trât dans sa gloire ?» 27 Et, com­men­çant par Moïse et par tous les pro­phètes, il leur ex­pli­qua dans toutes les Écri­tures ce qui le concernait.

28 Ils ap­pro­chèrent du vil­lage où ils se ren­daient, et lui fit mine d’aller plus loin. 29 Ils le pres­sèrent en di­sant : « Reste avec nous car le soir vient et la jour­née dé­jà est avan­cée. » Et il en­tra pour res­ter avec eux. 30 Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, pro­non­ça la bé­né­dic­tion, le rom­pit et le leur don­na. 31 Alors leurs yeux furent ou­verts et ils le re­con­nurent, puis il leur de­vint in­vi­sible. 32 Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brû­lait-il pas en nous tan­dis qu’il nous par­lait en che­min et nous ou­vrait les Écritures ?»

33 A l’instant même, ils par­tirent et re­tour­nèrent à Jé­ru­sa­lem ; ils trou­vèrent réunis les Onze et leurs com­pa­gnons, qui leur dirent : 34 « C’est bien vrai ! Le Sei­gneur est res­sus­ci­té, et il est ap­pa­ru à Simon. »

35 Et eux ra­con­tèrent ce qui s’était pas­sé sur la route et com­ment ils l’avaient re­con­nu à la frac­tion du pain.
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C’est le mo­ment du re­pas à l’au­berge, à la fin de la jour­née, après la ren­contre de deux pè­le­rins sur la route entre Jé­ru­sa­lem et un vil­lage, Em­maüs. Un ser­vi­teur ap­porte un plat, mais l’es­sen­tiel de la scène tient dans le geste que fait le Christ. Les yeux le­vés, il rompt le pain. Une clar­té ir­réelle nimbe son vi­sage, tan­dis que sur la gauche, une lu­mière tom­bant d’une fe­nêtre éclaire la nappe blanche qui rap­pelle le lin­ceul de Jé­sus cru­ci­fié, re­trou­vé po­sé au troi­sième jour près du tom­beau vide.

A cet ins­tant les deux dis­ciples, sai­sis, - l’un re­cule avec une crainte sa­crée, tan­dis que l’autre joint les mains dans un geste de prière -, re­con­naissent Jé­sus. Sa fi­gure li­vide, dou­lou­reuse rap­pelle qu’il vient de triom­pher de souf­frances in­ex­pri­mables et de la mort, évo­quée par cer­tains dé­tails sym­bo­liques comme le verre vide re­tour­né à sa droite, et le crâne bri­sé d’un agneau, sym­bole de la mort de l’A­gneau de Dieu, pré­sen­té sur le plat à sa gauche. 

Rem­brandt uti­lise le clair-obs­cur qui donne à la scène un ca­rac­tère in­tem­po­rel. Nous bas­cu­lons de l’­hu­main au di­vin. L’œuvre est por­tée à son plus haut de­gré de dépouillement. 

O sa­crum convi­vium
in quo Chris­tus su­mi­tur :
re­co­li­tur me­mo­ria pas­sio­nis ejus.
Mens im­ple­tur gra­tia
et fu­tu­rae glo­riae no­bis pi­gnus da­tur.
Al­le­luia.
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O ban­quet sa­cré
dans le­quel nous re­ce­vons le Christ :
nous rap­pe­lons la mé­moire de sa Pas­sion.
L ’âme se ras­sa­sie de grâce
et de la gloire fu­ture un gage nous est don­né.
Al­lé­luia.

Tho­mas d’A­quin (1225-1274)