Ro­gier van der Wey­den. Le Christ rédempteur

Ve­ni Re­demp­tor gen­tium
Can­to­ri Gre­go­ria­ni, dir. Ful­vio Rampi 

Ro­gier van der Wey­den (1399-1464)
Le Christ ré­demp­teur (1450)
Le Louvre, Paris 

Trip­tyque de la fa­mille Braque. Pan­neau cen­tral : le Christ ré­demp­teur entre la Vierge et Jean l’Évangéliste. Vo­let gauche : Jean le Bap­tiste. Vo­let droit : Marie-Madeleine.

Il s’agit d’un au­tel por­ta­tif à usage pri­vé, com­man­dé par Jean de Braque et par son épouse Ca­the­rine de Bra­bant, comme nous l’apprennent les armes fi­gu­rant au re­vers des vo­lets. Par son ico­no­gra­phie, ce trip­tyque est une in­gé­nieuse va­ria­tion sur un thème in­tro­duit dans le nord. Le Christ cen­tral est à la fois pan­to­cra­tor (globe du pou­voir) et ré­demp­teur (bé­né­dic­tion).

En ajou­tant le per­son­nage de Jean l’Évangéliste, Ro­gier trans­forme la scène de l’intercession de la Vierge au­près du Christ en une triade hié­ra­tique. Ces trois fi­gures en buste, qui se dé­tachent sur un pay­sage ma­ti­nal et qui, lé­gè­re­ment es­pa­cées, gardent entre elles le contact sans em­pié­ter les unes sur les autres, rem­plissent le large pan­neau cen­tral. Le vo­let gauche est oc­cu­pé par Jean le Bap­tiste, qui montre un livre et dé­signe le Christ de l’index. Les mots du saint : Ecce agnus qui tol­lit pec­ca­ta mun­di (Voi­ci l’A­gneau de Dieu, qui en­lève le pé­ché du monde) font ré­fé­rence à son rôle de Pré­cur­seur an­non­çant la ve­nue du Christ Rédempteur.

Le vo­let droit est oc­cu­pé par Ma­rie-Ma­de­leine qui porte pré­cieu­se­ment son vase d’onguent. Les ex­pres­sions de la Vierge et de Ma­rie-Ma­de­leine, plus nobles et plus tristes que ja­mais, ont per­du de leur sé­vé­ri­té. Les cou­leurs son plus riches et les lu­mières plus nuan­cées. Il y a un in­té­rêt crois­sant pour la beau­té phy­sique et les mou­ve­ments du cœur, comme une ré­hu­ma­ni­sa­tion du style et du sentiment. 

1. Ve­ni, Re­démp­tor gén­tium,
os­ténde par­tum Vír­gi­nis ;
mi­ré­tur omne sæ­cu­lum :
ta­lis de­cet par­tus Deum.

Viens, Ré­demp­teur de tous les peuples, (Is 11, 12 ; 53, 11 ; 62, 2)
fais voir la Vierge qui en­fante ;
que tous les siècles s’é­mer­veillent :
(Is 52, 15)
en­fan­te­ment digne d’un Dieu !

2. Non ex virí­li sé­mine,
sed mýs­ti­co spirá­mine
Ver­bum Dei tac­tum est ca­ro,
fructúsque ven­tris flóruit.

Non pas d’une se­mence d’­homme (Mt 1, 18-25)
mais par le souffle de l’Es­prit,
le Verbe de Dieu s’est fait chair,
(Jn 1, 14)
et le fruit du ventre a fleuri.

3. Al­vus tu­més­cit Vír­gi­nis.
claus­trum pudó­ris pér­ma­net,
vexíl­la virtú­tum mi­cant,
versá­tur in tem­plo Deus.

Le sein de la Vierge s’é­meut, (Mt 1, 22-23)
sa vir­gi­ni­té reste in­tacte ; (Lc 1, 39-45)
​brillez, éten­dards des ver­tus,

car Dieu se trouve dans son temple ! (Ps 11, 4)

4. Pro­cé­dit e tha­la­mo suo,
pudó­ris au­lo ré­gia,
gé­minæ gi­gans sub­stán­tiæ
ála­cris ut cur­rat viam.

Qu’il s’a­vance hors de sa chambre, (Ps 19, 6-7)
royal pa­lais de la pudeur,
​ce géant à double na­ture,
(Concile de Ni­cée, 325 et Chal­cé­doine, 451)
pres­sé de par­cou­rir sa route ! (Ps 19, 6-7)

5. Æquá­lis ætér­no Pa­tri,
car­nis tropæo cín­gere,
infír­ma nos­tri cór­po­ris
virtúte fir­mans pérpeti.

Égal à ton Père éter­nel, (Concile de Ni­cée, 325)
re­vêts la chair comme un tro­phée ;
af­fer­mis notre corps in­firme
(1Cor 15, 53-57)
de ton éter­nelle puis­sance.

6. Præ­sépe iam ful­get tuum,
lu­ménque nox spi­rat no­vum,
quod nul­la nox in­tér­po­let
fi­déque iu­gi lúceat.

Ta crèche dé­jà res­plen­dit, (Pères de l’Église)
la nuit ex­hale un éclat neuf : (Lc 2, 8)
que nulle nuit ne le ter­nisse,

qu’il brille d’une foi sans fin. (Lc 2, 20)

7. Sit, Christe, rex piís­sime,
ti­bi Pa­tríque gló­ria
cum Spí­ri­tu Pará­cli­to,
in sem­pi­tér­na sæcula.

O Christ, ô Roi plein de bon­té,
gloire à toi et gloire à ton Père, (Concile de Ni­cée, 325)
avec l’Es­prit Conso­la­teur

à tra­vers les siècles sans fin ! (Concile de Vai­son, 529)

Am­broise de Mi­lan (340-397)