
Gustav Blaeser (1813-1874)
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, bronze (1872)
Hegelplatz, Berlin
Un thème principal de la philosophie critique [ie kantienne] est qu’avant d’entreprendre de connaître Dieu, l’essence des choses, etc., il y aurait à examiner préalablement la faculté de connaître elle-même, pour savoir si elle est capable de s’acquitter d’une telle tâche ; on devrait préalablement apprendre à connaître l’instrument, avant d’entreprendre le travail qui doit être réalisé par le moyen de ce dernier ; sinon, au cas où il serait insuffisant, toute la peine serait dispensée en pure perte. Cette pensée a paru si plausible qu’elle a suscité la plus grande admiration et approbation, et a ramené la connaissance, de son intérêt pour les ob-jets [Gegenstand] et de son occupation avec eux, à elle-même, à l’élément formel. Si pourtant l’on ne veut pas s’illusionner avec des mots, il est facile de voir que l’on peut bien éventuellement examiner et apprécier d’autres instruments d’une autre manière qu’en entreprenant le travail propre auquel ils sont destinés. Mais l’examen de la connaissance ne peut se faire autrement qu’en connaissant ; dans le cas de ce prétendu instrument, l’examiner ne signifie rien d’autre que le connaître. Mais vouloir connaître avant de connaître est aussi absurde que le sage projet qu’avait ce scolastique, d’apprendre à nager avant de se risquer dans l’eau.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), La science de la logique, Encyclopédie des sciences philosophiques
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