Em­ma­nuel Kant. Dire la vé­ri­té, un im­pé­ra­tif catégorique

Jo­hann Leon­hard Raab (1825-1899)
Por­trait d’Em­ma­nuel Kant (1791)
Gra­vure d’a­près un ta­bleau de Döbler 

Si tu as, par exemple, em­pê­ché d’a­gir par un men­songe quel­qu’un qui se trou­vait avoir alors des in­ten­tions meur­trières, tu es res­pon­sable d’un point de vue ju­ri­dique de toutes les consé­quences qui pour­raient en ré­sul­ter. Mais si tu t’en es te­nu stric­te­ment à la vé­ri­té, la jus­tice pu­blique ne peut rien te faire quelles que soient les consé­quences im­pré­vues. Il peut tou­te­fois se pro­duire qu’a­près que tu as hon­nê­te­ment ré­pon­du oui au meur­trier qui te de­man­dait si ce­lui qu’il vou­lait tuer était chez toi, ce­lui-ci soit ce­pen­dant sor­ti sans être re­mar­qué et qu’ain­si il ait échap­pé au meur­trier, que le crime alors n’ait pas eu lieu ; mais sup­po­sons que tu aies men­ti et dit qu’il n’é­tait pas chez toi, et qu’il soit réel­le­ment sor­ti (bien qu’à ton in­su); si le meur­trier le ren­con­trant en train de sor­tir, ac­com­plis­sait son crime, tu peux alors être à bon droit ac­cu­sé d’être la cause de sa mort. (…) Par consé­quent ce­lui qui ment, quelque bien in­ten­tion­né qu’il puisse être, doit ré­pondre des consé­quences de son men­songe (…) et en payer le prix, quel que soit leur ca­rac­tère im­pré­vi­sible. Car dire la vé­ri­té consti­tue un de­voir qui doit être consi­dé­ré comme la base de tous les de­voirs qui sont à fon­der sur un contrat, et dont la loi, si on y to­lère ne se­rait-ce que la plus pe­tite ex­cep­tion, est ren­due chan­ce­lante et vaine.

Em­ma­nuel Kant (1724-1804), Sur un pré­ten­du droit de men­tir par hu­ma­ni­té
Bio­gra­phie