Tho­mas d’A­quin. Le droit de propriété

Be­noz­zo Goz­zo­li (1468-1484)
Le Triomphe de Tho­mas d’A­quin, dé­tail (~1470)
Le Louvre, Paris 

En ef­fet rien de ce qui est de droit hu­main ne sau­rait dé­ro­ger à ce qui est de droit na­tu­rel ou de droit di­vin. Or se­lon l’ordre na­tu­rel ins­ti­tué par la di­vine pro­vi­dence, les réa­li­tés in­fé­rieures sont su­bor­don­nées à l’­homme, afin qu’il les uti­lise pour sub­ve­nir à ses be­soins. Il en ré­sulte que le par­tage des biens et leur ap­pro­pria­tion se­lon le droit hu­main ne sup­priment pas la né­ces­si­té pour les hommes d’u­ser de ces biens en vue des be­soins de tous. Dès lors, les biens que cer­tains pos­sèdent en sur­abon­dance sont des­ti­nés, par le droit na­tu­rel, à se­cou­rir les pauvres. C’est pour­quoi saint Am­broise écrit : « Le pain que tu gardes ap­par­tient à ceux qui ont faim, les vê­te­ments que tu caches ap­par­tiennent à ceux qui sont nus et l’argent que tu en­fouis est le ra­chat et la dé­li­vrance des mal­heu­reux. » Or le nombre de ceux qui sont dans le be­soin est si grand qu’on ne peut pas les se­cou­rir tous avec les mêmes res­sources, mais cha­cun a la libre dis­po­si­tion de ses biens pour se­cou­rir les mal­heu­reux. Et même, en cas de né­ces­si­té évi­dente et ur­gente où il faut ma­ni­fes­te­ment prendre ce qui est sous la main pour sub­ve­nir à un be­soin vi­tal, par exemple quand on se trouve en dan­ger et qu’on ne peut pas faire au­tre­ment, il est lé­gi­time d’u­ti­li­ser le bien d’au­trui pour sub­ve­nir à ses propres be­soins ; on peut le prendre, ou­ver­te­ment ou en ca­chette, sans pour au­tant com­mettre réel­le­ment un vol ou un larcin.

Tho­mas d’A­quin (1225-1274), Somme théo­lo­gique, II-II, q. 66, art.7
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