Saint Au­gus­tin. Pierre, m’aimes-tu ?

Saint Au­gus­tin, VIe s.
Fresque, pa­lais du La­tran, Rome 

Après sa ré­sur­rec­tion, le Sei­gneur ap­pa­raît à ses dis­ciples et in­ter­pelle Pierre. Il in­siste pour que ce­lui qui, par trois fois, l’avait re­nié par peur, lui dé­clare par trois fois son amour. Le Christ res­sus­ci­ta dans la chair et Pierre dans l’Esprit, car le pre­mier avait per­du la vie dans sa Pas­sion, et le se­cond dans son re­nie­ment. Res­sus­ci­té des morts, le Sei­gneur Christ res­sus­cite Pierre par son amour. Il l’interroge, lui fait af­fir­mer son amour, et lui confie ses brebis.

Qu’offrait Pierre au Christ en l’aimant ? Si le Christ t’aime, c’est pro­fit pour toi, non pour lui. Si tu aimes le Christ, c’est en­core pro­fit pour toi, non pour lui. Tou­te­fois, le Sei­gneur Christ nous ap­prend la ma­nière dont les hommes doivent lui té­moi­gner leur amour : en ai­mant ses bre­bis. Sa pen­sée est as­sez nette : « M’aimes-tu ? - Je t’aime. - Pais mes bre­bis. » Une fois, deux fois, trois fois. La seule pa­role de Pierre est pour pro­tes­ter son amour, la seule pa­role du Sei­gneur est pour s’assurer de cet amour, et sa seule ré­ponse est pour lui confier ses brebis.

Ai­mons-nous donc : nous ai­me­rons alors le Christ. Dieu pour l’éternité, le Christ est né homme dans le temps. Homme, né de l’homme, Il se montre homme pour les hommes. Il ac­com­plit maints pro­diges, car il est Dieu dans l’homme ; il sup­porte maints ou­trages, car Il est homme entre les mains des hommes. Il res­sus­cite après sa mort, car Il est Dieu dans l’homme ; Il sé­journe sur la terre du­rant qua­rante jours, car Il est homme par­mi les hommes. Sous les yeux des hommes, Il monte au ciel, car Il est Dieu dans l’homme, et il s’assied à la droite du Père. Ce mys­tère-là, nous le croyons, bien que nous ne le voyions pas.

Il nous faut ai­mer le Christ Sei­gneur que nous ne voyons pas ; tous, nous crions et di­sons : « J’aime le Christ. » Oui, mais « si tu n’aimes pas ton frère que tu vois, com­ment peux-tu ai­mer Dieu que tu ne vois pas ?» Dans l’amour des bre­bis, té­moigne de ton amour pour le Pas­teur. Pour que les bre­bis soient ses membres, ce­lui-ci consen­tit à se faire bre­bis, et, comme une bre­bis, fut conduit à la bou­che­rie. Pour que les bre­bis soient ses membres, il a été dit de lui : « Voi­ci l’Agneau de Dieu qui en­lève les pé­chés du monde. » Mais cet Agneau est do­té d’une force pro­di­gieuse. Veux-tu sa­voir de quelle force a fait preuve cet Agneau ? L’Agneau a été mis en croix et le lion a été vain­cu. Vois et consi­dère avec quelle puis­sance le Sei­gneur Jé­sus Christ gou­verne le monde quand, par sa mort, Il a vain­cu le démon.

Ai­mons-le donc et que rien ne nous soit plus cher que lui. Pen­sez-vous que le Sei­gneur ne nous in­ter­pelle pas, nous aus­si ? Pierre au­rait-il eu, seul, le bon­heur d’être in­ter­ro­gé, et pas nous ? Mais non, chaque chré­tien s’entend po­ser cette ques­tion en son cœur. Quand tu en­tends le Maître de­man­der : « Pierre, m’aimes-tu ?», dis-toi bien que Pierre est un mi­roir : re­garde-toi de­dans. Au reste, Pierre ne por­tait-il pas en lui le vi­sage de l’Église ? Lorsque le Sei­gneur in­ter­roge Pierre, c’est nous qu’Il in­ter­roge, c’est l’Église qu’Il interroge.

Saint Au­gus­tin (354-430), 2ème Trai­té - pour le sa­me­di de Pâques, P.L. S. 2 col. 579 & 580
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