Atha­nase d’A­lexan­drie. Le Verbe dans sa création

La na­ture des êtres créés, ve­nant du néant, est pas­sa­gère, faible, mor­telle. Mais le Dieu de l’univers est par na­ture bon et ex­cellent ; c’est pour­quoi il aime les hommes. Un être bon ne sau­rait por­ter en­vie à qui­conque. Aus­si ne ja­louse-t-il per­sonne, mais il veut que tous existent, de fa­çon à pou­voir leur mon­trer son amour. Il voit que toute la na­ture créée s’écoule et se dis­sout ; pour que ce­la ne soit pas et pour que l’univers ne re­tourne pas au néant, après avoir don­né l’être à la créa­tion, il ne l’abandonne pas à cette pente et aux fluc­tua­tions de la na­ture qui l’entraîneraient au néant. Mais dans sa bon­té, par son Verbe qui, lui aus­si, est Dieu, il gou­verne et main­tient la création.

Tout ce qui existe et prend nais­sance, ne prend nais­sance et ne sub­siste que dans le Verbe et par le Verbe, comme nous l’a dit Jean le Théo­lo­gien : « Au com­men­ce­ment était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui tout s’est fait, et sans lui rien ne s’est fait. » Comme un mu­si­cien qui vient d’accorder sa lyre rap­proche ha­bi­le­ment les notes graves des notes ai­guës, les notes moyennes avec les autres pour exé­cu­ter une seule mé­lo­die, ain­si la Sa­gesse de Dieu, le Verbe, te­nant l’univers comme une lyre, unit les êtres de l’air avec ceux de la terre, et les êtres du ciel avec ceux de l’air. Il adapte l’ensemble avec les par­ties, et di­rige tout par son com­man­de­ment et sa vo­lon­té. Il pro­duit ain­si, dans la beau­té et l’harmonie, un seul monde et un seul ordre du monde. Lui-même reste im­muable au­près du Père, tan­dis qu’il meut toutes choses par l’ordonnance qu’il a éta­blie, se­lon ce que son Père a dé­ci­dé. Tous les êtres re­ce­vant de lui la vie et la sub­sis­tance se­lon leur na­ture, com­posent, par son art, une har­mo­nie ad­mi­rable et vrai­ment divine.

Pour faire com­prendre une si grande chose, pre­nons par exemple l’image d’un chœur com­po­sé de nom­breux chan­teurs. Ce chœur com­porte des exé­cu­tants va­riés : hommes, en­fants, femmes, vieillards et jeunes gens ; sous la di­rec­tion d’un seul chef, cha­cun chante se­lon sa na­ture et ses pos­si­bi­li­tés : l’homme avec une voix d’homme, l’enfant avec celle d’un en­fant, le vieillard en tant que vieillard, le jeune homme en tant que jeune homme ; mais tous exé­cutent une seule har­mo­nie. Ou en­core, pre­nons l’exemple de notre âme ; elle met en mou­ve­ment nos dif­fé­rents sens se­lon l’activité de cha­cun, de sorte qu’elle les meut tous en­semble en pré­sence d’un même ob­jet : l’œil pour voir, l’oreille pour en­tendre, la main pour tou­cher, l’odorat pour sen­tir, le goût pour sa­vou­rer, et sou­vent d’autres membres du corps, comme les pieds pour marcher.

Ain­si, par une seule im­pul­sion, par le com­man­de­ment du Verbe qui est Dieu, toutes choses sont mises en ordre, cha­cune agit se­lon ce qui lui est propre, et toutes en­semble réa­lisent un ordre unique. Étant en toutes choses le Verbe, et le Roi, et ce­lui qui réunit tous les êtres, il fait tout pour que le Père soit connu et glo­ri­fié ; il nous en­seigne par ses œuvres que « la gran­deur et la beau­té des créa­tures font connaître par ana­lo­gie leur auteur ».

Atha­nase d’A­lexan­drie (296-375), Contre les païens, 41-44
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