
La nature des êtres créés, venant du néant, est passagère, faible, mortelle. Mais le Dieu de l’univers est par nature bon et excellent ; c’est pourquoi il aime les hommes. Un être bon ne saurait porter envie à quiconque. Aussi ne jalouse-t-il personne, mais il veut que tous existent, de façon à pouvoir leur montrer son amour. Il voit que toute la nature créée s’écoule et se dissout ; pour que cela ne soit pas et pour que l’univers ne retourne pas au néant, après avoir donné l’être à la création, il ne l’abandonne pas à cette pente et aux fluctuations de la nature qui l’entraîneraient au néant. Mais dans sa bonté, par son Verbe qui, lui aussi, est Dieu, il gouverne et maintient la création.
Tout ce qui existe et prend naissance, ne prend naissance et ne subsiste que dans le Verbe et par le Verbe, comme nous l’a dit Jean le Théologien : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui tout s’est fait, et sans lui rien ne s’est fait. » Comme un musicien qui vient d’accorder sa lyre rapproche habilement les notes graves des notes aiguës, les notes moyennes avec les autres pour exécuter une seule mélodie, ainsi la Sagesse de Dieu, le Verbe, tenant l’univers comme une lyre, unit les êtres de l’air avec ceux de la terre, et les êtres du ciel avec ceux de l’air. Il adapte l’ensemble avec les parties, et dirige tout par son commandement et sa volonté. Il produit ainsi, dans la beauté et l’harmonie, un seul monde et un seul ordre du monde. Lui-même reste immuable auprès du Père, tandis qu’il meut toutes choses par l’ordonnance qu’il a établie, selon ce que son Père a décidé. Tous les êtres recevant de lui la vie et la subsistance selon leur nature, composent, par son art, une harmonie admirable et vraiment divine.
Pour faire comprendre une si grande chose, prenons par exemple l’image d’un chœur composé de nombreux chanteurs. Ce chœur comporte des exécutants variés : hommes, enfants, femmes, vieillards et jeunes gens ; sous la direction d’un seul chef, chacun chante selon sa nature et ses possibilités : l’homme avec une voix d’homme, l’enfant avec celle d’un enfant, le vieillard en tant que vieillard, le jeune homme en tant que jeune homme ; mais tous exécutent une seule harmonie. Ou encore, prenons l’exemple de notre âme ; elle met en mouvement nos différents sens selon l’activité de chacun, de sorte qu’elle les meut tous ensemble en présence d’un même objet : l’œil pour voir, l’oreille pour entendre, la main pour toucher, l’odorat pour sentir, le goût pour savourer, et souvent d’autres membres du corps, comme les pieds pour marcher.
Ainsi, par une seule impulsion, par le commandement du Verbe qui est Dieu, toutes choses sont mises en ordre, chacune agit selon ce qui lui est propre, et toutes ensemble réalisent un ordre unique. Étant en toutes choses le Verbe, et le Roi, et celui qui réunit tous les êtres, il fait tout pour que le Père soit connu et glorifié ; il nous enseigne par ses œuvres que « la grandeur et la beauté des créatures font connaître par analogie leur auteur ».
Athanase d’Alexandrie (296-375), Contre les païens, 41-44
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