
Nicolas Cabasilas (1322-1391)
Par sa nature, ses aspirations et ses pensées, l’homme tend vers le Christ, non seulement en raison de sa divinité qui est la fin de tous les êtres, mais encore en raison de sa nature humaine. En lui se trouvent l’apaisement des aspirations de l’homme et les délices de ses pensées. Porter son amour ou sa pensée à quoi que ce soit en dehors de lui, c’est manifestement se détourner de l’unique nécessaire et s’écarter des tendances imprimées en notre nature depuis l’origine.
Afin que le Christ soit toujours l’objet de nos méditations et qu’à chaque instant notre attention se concentre sur lui, invoquons-le à toute heure, qu’il soit le sujet de nos pensées. Pour l’invoquer, point n’est besoin ni de préparation à la prière, ni de local, ni de cri. Car il n’est pas de lieu où il ne se trouve. Impossible qu’il ne soit pas en nous, car il est plus proche de ceux qui le cherchent que ne l’est leur cœur même. Par suite, croyons fermement qu’il nous exaucera au-delà de nos prières, et n’en doutons pas, malgré nos défauts. Ayons plutôt confiance, car le Christ est bon pour les ingrats et les pécheurs qui l’invoquent. Loin de mépriser les prières de ses serviteurs rebelles, il est descendu sur terre et, le premier, il a appelé ceux qui ne l’avaient pas encore appelé et qui n’avaient même jamais pensé à lui : « Je suis venu, dit-il, appeler les pécheurs. » S’il a ainsi recherché ceux qui ne le désiraient pas, que ne fera-t-il pas pour ceux qui le prient ? S’il a aimé ceux qui le haïssaient, comment repousserait-il ceux qui l’aiment ? C’est ce que montre Paul quand il dit : « Si nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, alors que nous étions ses ennemis, à plus forte raison après réconciliation serons-nous sauvés par sa vie. »
Nous n’invoquons pas le Seigneur pour qu’il nous accorde récompense ou faveur, mais pour qu’il nous fasse miséricorde. Demander au Christ, ami des hommes, la miséricorde, le pardon ou la remise des fautes et ne pas repartir les mains vides après cette prière, à qui cela convient-il sinon aux coupables, puisque « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin » ? Bref si l’on admet que des hommes doivent élever vers Dieu une voix suppliante, ce ne peut être que la voix de ceux qui ont besoin de miséricorde.
Nicolas Cabasilas (1322-1391), La Vie en Jésus-Christ, livre 6 : PG 150, 682 683
Biographie
Saint Nicolas Cabasilas, de son patronyme Nicolas Chamaétos, fut un conseiller et ami de l’empereur Jean VI Cantacuzène, grand théologien aussi qui marqua la renaissance culturelle et mystique de Byzance, proche de l’école de spiritualité de l’hésychasme (du grec ἡσυχασμός, hesychasmos, de ἡσυχία, hesychia, « l’immobilité, le repos, calme, le silence »), pratique spirituelle mystique enracinée dans la tradition de l’Église orthodoxe.