Duc­cio di Buo­nin­se­gna. Ap­pa­ri­tion du Christ aux apôtres

Gré­go­rien, Vic­ti­mae pa­scha­li laudes
Scho­la de la ca­thé­drale de Fri­bourg / CH 

Duc­cio di Buo­nin­se­gna (~1260 – ~1318)
Ap­pa­ri­tion du Christ aux apôtres les portes étant closes
Re­vers de > La Maes­ta, dé­tail (1308-1311)
Mu­seo dell’Opera del Duo­mo, Sienne 

Les apôtres1, in­for­més par leurs deux com­pa­gnons qui ont im­mé­dia­te­ment re­ga­gné Jé­ru­sa­lem après avoir ren­con­tré le Christ à Em­maüs, se sont réunis pour évo­quer en­semble l’apparition. C’est le mo­ment où le Christ leur ap­pa­raît une nou­velle fois, su­bi­te­ment, comme le pré­cise le texte, sans qu’aucune porte n’ait dû être ou­verte pour lui lais­ser le pas­sage. De ce point de vue, la re­pré­sen­ta­tion que nous donne Duc­cio est d’une pré­ci­sion im­pec­cable : les trois portes per­cées dans le mur du fond de­meurent toutes her­mé­ti­que­ment closes. L’Évangile de Luc (Lc 24, 33-50) ra­conte la scène en des termes très pré­cis : “Comme ils en par­laient en­core2, lui-même fut pré­sent au mi­lieu d’eux et leur dit : ‘La paix soit avec vous !’ Sai­sis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un es­prit. Jé­sus leur dit : ‘Pour­quoi êtes-vous bou­le­ver­sés ? Et pour­quoi ces pen­sées qui sur­gissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Tou­chez-moi, re­gar­dez : un es­prit n’a pas de chair ni d’os comme vous consta­tez que j’en ai.’ Après cette pa­role, il leur mon­tra ses mains et ses pieds.”

A l’instar de la plu­part des autres scènes peintes sur le re­vers du po­lyp­tyque, le dé­cor de la pièce est vu fron­ta­le­ment, créant le sen­ti­ment que nous nous trou­vons face à un dé­cor de théâtre. L’impression est ren­for­cée par la pré­sence d’un plan ho­ri­zon­tal qui s’achève net, à la ver­ti­cale, près de la li­mite ho­ri­zon­tale de l’œuvre. Ce plan, dont l’épaisseur est bien vi­sible, crée une sorte d’estrade lé­gè­re­ment sur­éle­vée qui évoque for­te­ment la scène d’un théâtre, au bord de la­quelle se joue­rait le drame.

La com­po­si­tion fron­tale, d’une grande sim­pli­ci­té, donne lieu à une li­si­bi­li­té par­faite de l’ensemble. Au centre, Jé­sus vient d’apparaître et sa­lut dans le même ins­tant les apôtres, d’un signe de bé­né­dic­tion. Les plis do­rés de son vê­te­ment disent une nou­velle fois l’état in­ter­mé­diaire dans le­quel il se trouve après la Ré­sur­rec­tion ; les par­ties de son corps bles­sées par les clous de la Cru­ci­fixion sont ap­pa­rentes, comme il se doit. Ré­par­tis en deux groupes équi­va­lents de part et d’autre de la fi­gure du Christ, les apôtres, ma­ni­festent tous les sen­ti­ments al­lant de l’étonnement à la frayeur qu’une pa­reille si­tua­tion peut susciter.

Une fois en­core, c’est le sens pra­tique qui l’emporte dans la vi­sion que Duc­cio nous donne de l’événement : une pa­no­plie d’auréoles est vi­sible au-des­sus de cha­cun des deux groupes d’apôtres. Deux d’entre eux en sont pour­tant dé­pour­vus, sans que rien ne laisse ima­gi­ner qu’ils puissent avoir au­cu­ne­ment dé­mé­ri­té. Il y a fort à pa­rier que c’est au moyen très pra­tique de cette omis­sion que Duc­cio évite aux deux au­réoles man­quantes de ve­nir ca­cher les vi­sages des apôtres si­tués à l’arrière plan.
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1 Ils ne sont plus que dix : Ju­das n’est plus comp­té dans le nombre (il a, de sur­croît, mis fin à ses jours quelques heures au­pa­ra­vant, après avoir pris la me­sure de son for­fait). Tho­mas, quant à lui, est ab­sent, comme nous l’apprendrons dans la scène sui­vante où nous le ver­rons ma­ni­fes­ter son in­cré­du­li­té de­vant la nou­velle ap­pa­ri­tion du Christ.

2 Les apôtres par­laient en­core de l’apparition sur­ve­nue le jour même en pré­sence des deux pèlerins.

Sté­phane Men­dels­sohn
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Vic­ti­mae pa­scha­li laudes
im­molent Chris­tia­ni.
Agnus re­de­mit oves.
Chris­tus in­no­cens Pa­tri
re­con­ci­lia­vit peccatores.

Mors et vi­ta duel­lo
conflixere mi­ran­do :
dux vi­tae mor­tuus,
re­gnat vivus.

Dic no­bis Ma­ria,
quid vi­dis­ti in via ?
Se­pul­crum Chris­ti vi­ven­tis
et glo­riam vi­di re­sur­gen­tis ;
An­ge­li­cos testes,
su­da­rium, et vestes.

Sur­rexit Chris­tus spes mea :
prae­ce­det suos in Ga­li­laeam.
Sci­mus Chris­tum sur­rexisse
a mor­tuis vere :
tu no­bis, vic­tor Rex,
mi­se­rere.
Amen. Al­le­luia.
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À la vic­time pas­cale,
chré­tiens, of­frez le sa­cri­fice de louange.
L’Agneau a ra­che­té les bre­bis ;
le Christ in­no­cent a ré­con­ci­lié
l’homme pé­cheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent
en un duel pro­di­gieux.
Le Maître de la vie mou­rut.
Vi­vant, il règne.

Dis-nous, Ma­rie Ma­de­leine,
qu’as-tu vu en che­min ?
J’ai vu le sé­pulcre du Christ vi­vant,
j’ai vu la gloire du Res­sus­ci­té.
J’ai vu les anges ses té­moins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon es­pé­rance, est res­sus­ci­té !
Il vous pré­cé­de­ra en Ga­li­lée.
Nous le sa­vons : le Christ
est vrai­ment res­sus­ci­té des morts.
Roi vic­to­rieux,
prends-nous tous en pi­tié !
Amen. Al­le­luia.